divagations à partir du thème de la mesure de la valeur (Securibourse)

par Graham ⌂ @, jeudi 14 octobre 2010, 22:52 (il y a 5147 jours) @ tristus dolor
édité par Graham, jeudi 14 octobre 2010, 22:58

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Effectivement, il faut tenter d'actualiser la valeur de la capacité d'autofinancement libre des prochaines années. Il existe pour cela autant de méthodes qui chacune tente de corriger les imperfections des autres mais en en introduisant de nouvelles. J'observe habituellement que les différents cabinets d'analystes utilisent l'une de ces méthodes un peu à la façon d'une formule magique qui assure d'atteindre le Saint-Graal de façon certaine. J'observe aussi que ces mêmes négligent d'ajuster et de relativiser au maximum les paramètres des formules. La conséquence est d'aboutir à des valorisations qui reflètent le consensus du moment. La formule magique sert à justifier un prix qu'a déjà en tête l'analyste de façon intuitive. En somme, je n'accorde aucun crédit à ces estimations que je trouve la plus part du temps fantaisistes.
Pour ma part, je tronque la méthode. J'essaie d'actualiser la valeur actuelle des cash flow sur une première période ordinairement assez courte (4ans à 7 ans selon qu'il est prédictible ou non d'escompter un maintien des tendances actuelles). Je prends en compte un coût du capital investi supérieur au taux des obligations à long terme que je ne n'estime plus pertinent désormais (puisqu'artificiel et vulnérable). Au terme de cette période, je ne fais pas une projection à l'infini parce que j'estime qu'en ce calcul les risques d'erreurs sont les plus grands. J'affecte le dernier cash flow d'un multiple très modéré qui me préserve du risque de la remontée du taux d'intérêt sans risque (qui ne sera plus forcément alors celui du taux d'intérêt des dettes souveraines de long terme!!!). Au final ma méthode est une approche très pragmatique et beaucoup plus intuitive du DCF. Elle me préserve de ses écueils. Bien entendu mes estimations seront beaucoup plus approximatives mais par compensation j'aurai accrue la marge de sécurité de mes estimations.

Pour rebondir sur un thème connexe, je crois qu'il faut aujourd'hui extrêmement relativiser la valeur de ces méthodes. D'abord, parce que l'on est habitué à avoir des taux d'intérêts "sans risque" à des niveaux exagérément bas qui ne traduisent plus les risques réels. Par exemple, quel taux d'intérêt prendra-t-on pour actualiser les revenus futurs> Sous 3% comme pour les OAT à 10ans> 5% environ la moyenne des OAT ces 10 dernières années> Non je crois que l'on est bien loin du bon compte. On oublie un passé un peu plus lointain où les taux d'intérêts des dettes souveraines étaient bien supérieurs et ne faisaient pas que compenser l'inflation. Il mesurait aussi un risque. Aujourd'hui personne ne mesure le risque. Les excédents commerciaux des émergents, les comportements grégaire des institutionnels occidentaux, doivent se placer. Ils se placent indistinctement dans les dettes souveraines parce qu'il n'y a pas d'autres solutions théoriques. Mais le risque réel n'est plus rémunéré ou alors il l'est mais négativement et tous le savent!!! Oublie-t-on aussi que la Grèce, c'est pas seulement tout près géographiquement> C'est tout près aussi dans le "temps financier!". Bref l'idée consensuelle que l'on entend un peu partout aujourd'hui est que le différentiel de rémunération entre les obligations d'Etats et les actions inclinent exceptionnellement vers les actions et qu'il faut y investir. Peut-être mais pas pour cette raison et pas aussi indistinctement. Disons le tout net. Dans moins de 10 ans les taux d'intérêts des dettes souveraines de pays comme le nôtre seront supérieurs à 8%. Et là quid du faible prix de l'actif action. De même n'envisage-t-on pas assez le risque d'un choc dépressif qui pour lors n'a été que repoussé. Quid encore. Que vaudra un DCF qui prend pour loyer de l'argent un modeste taux d'intérêt, qui ne prend pas en compte la probabilité de déclin> Non le DCF, indistinctement utilisé pour toutes les sociétés ne peut pas tenir la route pour les années à venir. Il était adapté aux 50 années d'après guerre où les crises si elles étaient importantes ne provoquaient pas une baisse durable de la production de richesse. Or c'est ce que nous risquons pour les deux décennies à venir.
Il me semble dès lors impératif de trouver des actifs qui peuvent préserver la valeur en pouvoir d'achat de l'épargne collectée. Quelques sociétés aux franchises fortes le permettent avec assurance. Beaucoup d'autres, même faiblement valorisées, non car elles risqueront la défaillance. Il n'est pas vrai que l'actif "action" n'est pas cher. Il n'est pas cher relativement ponctuellement parce que sa référence (le taux sans risque des obligations à long terme des souverains) n'a plus aucune pertinence. La monnaie ne vaut plus rien sinon la confiance et l'habitude qu'on lui laisse encore. La supercherie prendra fin plus tôt que l'on ne le croit. L'immobilier survalorisé pourrait être un bon investissement. Il ne perdrait au pire que 40% que de son équivalent en pouvoir d'achat. L'actif "action" peut tout perdre en cas d'effondrement de l'ancien modèle financier qui a régi le siècle précédent.

Je saute du coq à l'âne encore. Je crois que le biais "Value" de ce forum est un écueil aujourd'hui. Ce qui est faiblement valorisé habituellement est ce qui produit à marges faibles ou au moins fragiles. Ce type d'investissement est, je le conçois en prévision du choc futur, dangereux. Si il doit y avoir dépression en raison d'un choc monétaire planétaire -ce qui est à craindre- nombreuses de ces entreprises péricliteront. Je pense qu'il est plus sage d'investir dans des franchises fortes, quitte à payer cher pour des immobilisations incorporelles (le contraire de ce que préconissent "les daubasses" ). Ces franchises (j'entends du type "coca cola" ) garderont une capacité à générer des revenus quelque soit le contexte et limiteront les pertes de valeur. Je préviens que nous allons entrer dans une période où les contours de la "valeur" deviendront plus qu'incertains et où la monnaie ne renverra à plus rien de réel et de stable. L'objectif pour les années à venir n'est plus l'enrichissement mais la préservation de la valeur. Nous perdrons tous beaucoup. Les plus sages seront ceux qui perdront le moins.

J'ai beaucoup divagué à partir d'un thème beaucoup plus circonscrit au départ. Mais dans la mesure où toutes nos discussions renvoient à cette idée de valeur (on disait naguère "création de valeur" ), il m'a semblé bon de digresser, de laisser l'imagination courir. Je pense qu'il est primodial aujourd'hui de voir les choses sous un jour différent et de hâter le changement de nos modèles de représentation. Le monde ancien craque de toutes parts et avec lui toutes nos représentations relatives.

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