"Nos « subprimes » à nous" par J-P Petit (Securibourse)

par Graham ⌂ @, jeudi 06 septembre 2007, 00:19 (il y a 6283 jours)

L'Expansion, 01/09/2007
La chronique

Les leçons de la dernière crise financière n'ont pas été tirées en France. Les discours « officiels » insistent sur le rôle des subprimes et donc des Etats-Unis, niant l'existence d'un risque pour notre pays. Pourtant, cet épisode est la partie émergée d'un ajustement récessif plus profond sur l'immobilier résidentiel américain commencé au printemps 2006. Or la France, tout comme les Etats-Unis et beaucoup d'autres pays, a connu ces dix dernières années l'un des cycles immobiliers les plus expansifs de son histoire, et ce grâce à la financiarisation du logement, très développée depuis le début des années 2000.

Cette financiarisation a été voulue. Elle a permis de compenser les effets dépressifs du « carnage boursier » de 2000-2002 sur les patrimoines individuels et sur la conjoncture. S'appuyant sur l'effet richesse et la dynamique du crédit, la demande interne s'est maintenue à un haut niveau, même si l'emploi et les revenus n'ont pas suivi. La Fed ainsi que l'ensemble des banques centrales ont inondé le monde de liquidités, qui ont favorisé la baisse massive des taux.

Or en France aussi le logement a « flambé ». Entre 1995 et 2005, les taux d'emprunt immobiliers ont diminué de plus de moitié, la durée des prêts a quasiment doublé, les exigences d'apport personnel ont baissé alors que le taux d'endettement des Français a augmenté de 20 points (par rapport à leur revenu). Depuis 1997, les prix de l'immobilier ont grimpé quatre fois plus vite que le pouvoir d'achat du revenu disponible brut. Une étude récente de l'agence de notation Fitch (1) montre que le marché immobilier français est plus fortement surévalué que celui des Etats-Unis.

La France n'a pas connu, au sens technique, un développement des subprimes, mais son équivalent à travers les subventions que l'Etat accorde à l'immobilier (prêts à taux zéro, baisse des droits de donation et succession, déduction des intérêts d'emprunts, dispositifs Robien et Borloo...). Mais, qu'elles soient le fruit d'excès de subprimes ou de subventions d'Etat, les bulles immobilières restent des oeuvres de destruction économique et sociale. Elles détournent les ressources financières des investissements et creusent les déficits extérieurs en maintenant une demande artificielle au détriment de la compétitivité. Elles renforcent les inégalités patrimoniales et creusent les inégalités intergénérationnelles. C'est une prime en faveur des situations acquises et de l'immobilisme. Aussi, l'ajustement immobilier français sera probablement moins brutal qu'aux Etats-Unis, mais plus long et plus douloureux.

G.W. Bush, réélu sur le thème de la « société de propriétaires », verra la fin de son mandat encore un peu plus terni par la crise des subprimes. Ce thème conservateur n'a aucune valeur économique et sociale, mais la France l'a adopté au printemps dernier et, comme les Etats-Unis, elle se condamne à ne plus figurer parmi les acteurs majeurs du dynamisme économique international. L'Amérique a les moyens de se relever, mais la France risque de s'enfoncer un peu plus dans son déclin.

(1) « House Prices and Household Debt : Where are the risks > », Fitch Ratings, July 2007.

Jean-Pierre Petit, directeur de la recherche économique à Exane BNP Paribas.

--
[image]





Graham


Fil complet:

 Fil RSS du sujet

powered by my little forum