différentes façons de gérer (Securibourse)

par Graham ⌂ @, vendredi 18 mai 2007, 01:53 (il y a 6393 jours) @ pasca711

La file a dévié de sa question originelle. Mais au fond, cela est très intéressant car cela permet de traiter un thème crucial de l’investissement boursier : la gestion de portefeuille dans la durée. Je souhaiterai volontiers que chacun y exprime sa propre expérience.
J’avoue que votre cas, Nakama, m’étonne beaucoup. Mais je ne me laisse pas aller à vénérer trop rapidement avant que de comprendre les raisons de vos succès. L’à priori que j’ai est le suivant :
-un taux de rotation important du portefeuille obère habituellement le rendement actuariel d’un portefeuille : effets mécaniques des frais de courtage et de la fiscalité. Les frais de courtage très réduits désormais sont négligeables. La fiscalité l’est moins, hormis le cas où tous les investissements sont placés dans une enveloppe fiscale privilégiée (tel que par exemple le PEA). De même des études empiriques faites par des universitaires américains tendent à montrer que les performances des investisseurs à forte activité tendent à être inférieures à la moyenne du marché.
-une forte diversification a pour conséquence de faire tendre sur le LT les performances d’un portefeuille vers la moyenne du marché. A contrario, une concentration importante du portefeuille engendre des disparités de performance et de grands écarts en bien ou en mal par rapport à cette moyenne.
Ceci m’incline à penser à priori que votre performance devrait tendre à LT avec la moyenne du marché, voire lui être légèrement inférieure. Or ce n’est point du tout le cas. C’est même le contraire. C’est pourquoi cette performance me parait une aberration intellectuelle. Je précise ce que j’entends par là. Dire cela, ce n’est pas vous mésestimez, c’est dire seulement que cela m’est inintelligible. J’essaie donc d’en comprendre les raisons. Et cela m’intéresse grandement puisque la conclusion de cette question contribuerait à perfectionner ma compréhension du fonctionnement du marché.
Première hypothèse : le type de valeur que vous traitez. Ce sont des small cap, voire souvent des microcaps. La logique voudrait que vos performances tendent vers la moyenne de ce type de valeurs sur le LT. Il se constate en effet que ces vingt dernières années, les petites sociétés ont mieux performées que les plus grandes. Cela n’a pas toujours été ainsi. Mais on peut raisonnablement admettre que cette tendance forte devrait encore dans l’avenir perdurer (sauf cas de très grave récession). De cela on peut tirer comme enseignement que l’investissement dans la durée en actions devrait privilégériemment se faire dans cette catégorie d’actions. Cela n’est plus vrai à court terme. Mais ce n’est pas assez encore : vos performances sont toujours bien meilleures.
Seconde hypothèse : l’augmentation du risque provoquerait un surcroît de performance. C’est un des thèmes principaux de la théorie moderne de portefeuille. J’avoue avoir bien du mal à assimiler cette conception. J’ai appris les rudiments de la bourse par d’autres intermédiaires qui tenaient pour nulle cette théorie. Il m’est bien difficile de l’assimiler. Il me faudrait la vérification de la thèse par de nombreux exemples pour me la faire paraître pertinente. C’est pourquoi aussi je suis très curieux de vos performances dans le temps, Nakama et d’autres encore qui procèdent de la même façon.
Troisième hypothèse : vous possédez un talent de stockpicker très nettement supérieur à la moyenne des investisseurs. Je vous accorde volontiers cette présomption de compétence. Je vous concède aussi volontiers qu’il est possible de l’être dans des conditions bien particulières. En effet, le marché me parait globalement sur le long terme efficient. Mais ce n’est jamais le cas que sur des sociétés très suivies. On observe ci et là des aberrations de marché sur des sociétés communiquant peu ou très peu suivies. Aussi, je présuppose qu’il est encore possible sur des marchés comme ceux sur lesquels vous opérez de surperformer en stockpicking. Je procède de la sorte aussi.
Quatrième hypothèse : la tendance haussière du marché ainsi que les conditions économiques de la société vous sont favorables. Je le crois aussi volontiers. Je me représente très défavorablement l’évolution de vos investissements dans un marché baissier ou au cours d’une récession. Il faudrait l’expérience du feu pour vérifier votre talent en période d’agitations boursières.
Nous le voyons donc. Les interrogations restent largement en suspens. Elles sont très intéressantes comme l’est tout simplement votre cas. Il manque les effets du temps (car qu’est-ce que trois ou quatre ans à l’échelle des investissements boursiers >), les bourrasques, les changements de mode et d’évaluation, etc., pour pouvoir tirer une certitude fiable de votre style d’investissement. Mais dans tous les cas, les conclusions seront très intéressantes car elles permettront d’augmenter l’intelligence des phénomènes boursiers.
Je tends à croire que sur une durée longue, les performances de l’investisseur boursier procèdent de quatre facteurs principaux que j’énumère en suivant et par ordre de priorité :
-capacité à gérer un portefeuille globalement
-capacité à sélectionner les sociétés individuellement
-maîtrise des émotions
-chance
Les trois premières relèvent de l’individu. La dernière est simplement la constatation empirique que tout ne peut pas être pronostiqué et donc qu’il entre une part de chance dans la réussite de ces meilleures performances. Je ne développe pas plus avant ce thème, chacun avec un peu de perspicacité s’en convaincra.
Je ne développerai pas plus le thème de la capacité à sélectionner. Cela va de soi et tout le monde l’accorde.
La capacité à gérer un portefeuille, c'est-à-dire à répartir les risques, est plus mal appréhendée ordinairement. En effet, ce n’est pas bien difficile de réussir occasionnellement sur un placement unique une performance remarquable. Cela par contre l’est nettement plus quand il s’agit de le reproduire plusieurs fois et de surcroît dans la durée. Ainsi, on remarque que n’a pas même effet sur la performance d’un portefeuille la réussite d’un gain de 100% ou plus sur une ligne représentant par exemple 10% d’un portefeuille global en comparaison de la même réussite d’une ligne représentant seulement 2% de ce même portefeuille. Il faudrait pour aboutir au même résultat renouveler 5 fois une pareille réussite. Ce n’est pas la même difficulté. Vous objecterez que ce n’est pas pareil de perdre 50% sur une ligne représentant 10% du portefeuille plutôt qu’une ligne représentant seulement 2% du portefeuille. Il faudrait aussi renouveler de malchances 5 fois pour aboutir au même résultat. Mais cela me parait un mauvais argument. Pourquoi > Parce que si l’investisseur est véritablement talentueux, il aura préalablement su sélectionner la bonne action. Aussi renvoie-t-on à la capacité à sélectionner les titres avec toute l’exigence que cela suppose. A ce propos, un jour, « The Bull » m’a fait une remarque qui m’a interpellé : « si l’on est réellement convaincu de la qualité d’un titre, pourquoi n’investir que 2% plutôt que 10% par exemple ». C’est exactement ce que je pense. Je n’arrive pas à concevoir que l’on puisse dire que l’on connaît bien un titre si l’on n’est pas capable d’y investir au moins 10% de son portefeuille. Il faudrait juste garder une diversification suffisante pour se garantir des effets par trop négatifs de ses erreurs.
De même, la capacité à gérer ses émotions est primordiale. Il ne sert à rien de sélectionner au mieux et d’adopter la meilleure gestion de portefeuille si l’on est incapable de supporter les humeurs du marché. Ainsi quand on achète à contre temps la rumeur, ainsi quand on vend trop tôt un superbe société.
On pourrait développer tous ces thèmes à l’infini tant ils sont cruciaux et tant ils sont intéressants. Je termine, car il se fait tard maintenant, par ma façon de traiter les facteurs dont j’ai parlé. Je privilégie pour ma part une gestion concentrée du portefeuille (à partir d’une très stricte et exigeante sélectivité) avec une très faible rotation de mon portefeuille habituellement (ceci principalement pour me prémunir contre les effets des passions sur mes décisions d’achats et de vente, mais aussi pour réduire autant que possible les effets négatifs de la fiscalité).
Je cède désormais la main à ceux qui sont intéressés par le sujet.
A bientôt

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Graham


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