nicox une vision moins passionnelle... (Securibourse)
Par Simone Wapler, 09 janvier 2009
Le secteur pharmaceutique fait rêver les investisseurs. Miser sur la biotechnologie qui réussit ensuite à s'imposer parmi les grandes, c'est un peu comme gagner au loto. Justement... le loto : beaucoup de joueurs et très peu de gagnants. Pour faire partie des rares heureux et non pas de la masse des perdants, mieux vaut vraiment comprendre le métier et ne pas s'en tenir aux seuls chiffres des analystes.
La petite "pharma" NicOx a retenu notre attention : pour une fois, les analystes ne sont pas moutonniers à son sujet. En août, Goldman Sachs publie une analyse donnant un objectif de cours de 3,20 euros, alors que la valeur cote un peu en dessous de 10 euros. Phénomène assez rare pour être souligné, la recommandation est sans ambiguïté : "vendre". Un coup dur pour cette petite valeur qui tombe alors à 7 euros.
Le 26 septembre, Euroland Finance publie un communiqué dans lequel l'analyste Gérard Pontonnier signale être à l'achat sur NicOx, lui attribuant un potentiel de 177 %. Le titre NicOx s'échange à un peu plus de 8 euros, cela veut donc dire que l'action pourrait toucher 23 euros. Le jackpot par les temps qui courent.
La Vie financière, dans son édition du 26 septembre, recommande "Acheter à titre spéculatif exclusivement". L'hebdomadaire cite deux analystes et un gérant : Sylvain Goyon de Natixis, Pierre Corby d'Aurel, Xavier Gandrille d'Amplégest.
Pourquoi des avis si divergents entre Goldman Sachs et Euroland Finance > Il est temps, pour le comprendre, de nous pencher sur ce que développe NicOx. Le médicament phare de ce laboratoire a pour nom Naproxcinod®. La molécule est un anti-inflammatoire dit non stéroïdien (AINS en jargon pharmaceutique), qui traite les douleurs liées à l'arthrose. Son originalité tient à sa combinaison avec des radicaux d'oxyde nitrique (NO) qui y ajouteraient des vertus cardio-vasculaires.
Anti-inflammatoire et bon pour le coeur >
Avec le naproxcinod, NicOx revendique donc un anti-inflammatoire possédant en plus des effets d'anti hypertenseur. La molécule de base de l'anti-inflammatoire de NicOx est connue depuis 1960 : il s'agit du naproxène qui pose des problèmes de tolérance. Son grand concurrent est l'ibuprofène, mondialement utilisé en raison de son bon rapport efficacité/tolérance.
Enfin, l'oxyde nitrique NO possède des propriétés vasodilatatrices connues. Le NO est fabriqué et émis par le corps humain, mais ces radicaux sont fragiles. Plongés dans l'environnement acide d'un estomac, ils ne durent que quelques dixièmes de seconde. Or, le naproxcinod s'avale. L'effet NO est donc douteux.
L'étude clinique réalisée par NicOX porte sur le fait que le naproxcinod® est un antalgique de l'arthrose qui provoque moins de surtension artérielle que ses deux "concurrents". Là encore, quelques précisions s'imposent. L'arthrose est une maladie dégénérative qui ne se soigne pas. Les anti-inflammatoires non stéroïdiens ne font que soulager la douleur et retarder la progression du mal. Par ailleurs, les AINS, comme l'ibuprofène concurrent, ne font pas monter la tension artérielle.
Aucun avantage par rapport à l'existant
Le démarrage d'études cliniques n'est soumis à aucune réglementation, il suffit d'avoir l'argent nécessaire. Ces études comportent trois étapes.
Durant la phase I, on vérifie l'absence d'effet toxique ; durant la phase II, on confirme l'efficacité thérapeutique sur une population de 50 à 500 patients ; durant la phase III, on mesure l'efficacité comparée du médicament testé et de ses concurrents sur 300 à 3 000 patients et on recherche d'éventuels effets secondaires. Classiquement, la phase I dure dix-huit mois, la phase II vingtquatre mois et la phase III trente-six mois.
En toute logique, l'étude clinique de NicOx devrait conclure que le naproxcinod a la même efficacité que le naproxène et qu'il n'induit pas d'effet secondaire cardiovasculaire néfaste : pas mieux, pas pire que ce qui existe déjà. Aucune révolution là-dedans. Le naproxcinod® sera en concurrence avec deux molécules connues tombées dans le domaine public qui soignent la "bobologie", les petites douleurs.
C'est, nous semble-t-il, un peu mince pour faire de NicOx une étoile montante. L'affaire NicOx nous paraît une bonne "intox", avalée par des analystes qui s'attachent aux chiffres, sans regarder le fond et le coeur de métier.
Première parution le 02/10/2008 dans le numéro 2 de MoneyWeek
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