félicitations et continuation du débat (Securibourse)
Je me suis souvent servi de lanalyse de Labadie, dont japprécie particulièrement la vision synthétique et projective, pour former ma propre opinion. Il me semble cependant utile de nuancer quelques uns de ses partis pris.
Dune part, il faut noter que si les risques dune déflation, telle quil la présentée, existent, ils napparaissent aujourdhui encore quà létat de menaces. En effet, nous ne sommes pas encore en situation de déflation et pour lors léconomie américaine résiste assez bien. Aujourdhui, les marchés réagissent en prévision de ces menaces et corrigent certains excès survenus sur quelques secteurs où lenthousiasme des opérateurs a porté trop loin. Il ne faut pas voir dans la correction des marchés la certitude dune récession mais seulement une meilleure prise en compte des risques réels existants. Que léconomie américaine fléchisse prochainement est presque certain. La dévalorisation du dollar concomitant à la restriction des possibilités de financement via le crédit et à la baisse de limmobilier affectera sensiblement la consommation des ménages américains. Dans quelle mesure > Personne ne le peut bien estimer. Néanmoins, cela suffira-t-il à remettre en cause radicalement la croissance émanant des nouvelles puissances économiques. Rien nest moins sûr. Dans chacun de ces pays émerge une grandissante classe moyenne disposant dune forte épargne et encline à imiter le mode de consommation occidentale. Dans ces pays neufs, dimportants besoins dinfrastructures se font sentir. Les importants excédents commerciaux accumulés depuis quelques années peuvent servir à de tels investissements. Ces trois facteurs, loin dêtre négligeables, peuvent contribuer à contrebalancer le déclin économique américain. Dailleurs, faut-il le préciser, ce déclin est tout relatif. Il ne sagit jamais que de la classe moyenne qui progressivement sappauvrit. Il en est dailleurs de même dans beaucoup déconomie dautres pays occidentaux. Ce qui ne signifie point du tout que les richesses samenuisent. Simplement, elles sont transférées vers les plus riches. Ces derniers investissent au-delà des frontières, à limage de Buffett. On pourrait en citer beaucoup dautres. Ce faisant, ils soutiennent les économies émergentes et contribuent au nouvel équilibre qui sinstaure. Cette perspective touche à une faiblesse du raisonnement de Labadie quil faut souligner. Les marchés intérieurs aux économies émergentes sont-ils suffisamment développés pour soutenir la croissance de ces pays > Cela se pourrait. Jai évoqué lémergence de classes aisées, le fort besoin dinfrastructure ainsi que lénorme quantité de liquidité dégagée des excédents commerciaux. Ceux-là pourraient sauver la croissance de léconomie de ces pays en palliant la baisse de la consommation américaine. La vérité se situe entre ces deux hypothèses. Je crois bien quaucun économiste ne puisse vraiment le trancher. Nous nous en apercevrons progressivement au fur et à mesure des diverses publications tant dindicateurs macroéconomiques que de résultats de sociétés. A ce titre, je ne crois pas quil faille faire tant de cas des dépréciations des institutions bancaires. En effet, globalement, les bilans de la grande majorité des sociétés se sont considérablement assainis ces dernières années au point de rendre moins vitales les besoins de refinancement.
Autre point à nuancer : il nest pas évident quau lieu dune déflation, nous ne soyons confrontés tout simplement à une forte inflation parallèlement à la persistance de la faiblesse du dollar. Les premiers signes observables paraissent accréditer cette possibilité : hausse des produits alimentaires, des cours des matières premières et agricoles et in fine, par endroits tension sur les salaires. Labadie a soutenu que le recours à linflation nétait pas envisageable parce quil provoquerait la ruine des ménages endettés à taux variables. Ce problème est typiquement occidental. Or, il apparaît que le phénomène inflationniste ni ne résulte, ni ne dépend des politiques occidentales. Linflation que lon voit poindre actuellement prend sa source dans les déséquilibres des nations émergentes. Par contagion, il atteint les économies occidentales. Les politiques économiques occidentales nont aucune emprise pour lenrayer. Une augmentation des taux courts des banques centrales occidentales naurait aucun effet sur les marchés intérieurs émergents. La dévaluation du dollar, car au fond cela y ressemble beaucoup, parait comme orchestrée et résout pas mal de difficultés. Elle réduit indirectement la dette extérieure, augmente la compétitivité des entreprises américaines (susceptible de produire de nouveaux emplois) et rééquilibre un peu le rapport de change avec le yuan. La contrepartie est dans lappauvrissement des classes moyennes et pauvres américaines par un fort fléchissement du pouvoir dachat. Mais cela importe-t-il tant > Possiblement non. Les couches sociales américaines aisées disposent dun patrimoine largement diversifié. Une grande part des actifs détenus par les sociétés et les ménages aisés américains est investie dans les économies étrangères et compensent presque intégralement le poids total de la dette américaine. Aussi, une dévaluation du dollar na point dimpact pour une fraction large des américains. Où se situe le pouvoir politique > Que soutient-il > Nous faisons là de lidéologie. Mais observons plutôt dans les faits. Je ne veux point trancher : je suggère, jinvite à y songer. Il se pourrait bien que le pouvoir politique ne soit pas là où on le croit et quil ait une visée différente du bien commun de lensemble du peuple américain.
Ces développements ne sont pas exhaustifs ni mêmes seulement vérifiés. Je les propose comme des hypothèses possibles aux principaux scénarios aujourdhui envisagés, notamment celui que Labadie a soutenu. Le pire nest jamais certain. Les hommes savent souvent sortir avec habilité des situations les plus délicates. Jai confiance dans lingénuité de tout ceux qui aspirent à nos niveaux de richesse. Ils sauront bien nous éviter le pire pour continuer à prospérer. Je propose aussi ce développement comme un palliatif à la morosité ambiante en insistant sur lincertitude du scénario qui se réalisera et en évoquant des hypothèses moins alarmistes et plus réjouissantes. Pour ma part, je ne crois guère à une déflation violente. Certes, lhypothèse est envisageable et a des probabilités non négligeables de se réaliser. Mais dautres voies sont possibles. La géographie économique mondiale a mué. LOccident nest plus tout puissant, il nest que puissant. LOrient, le Sud, désormais aussi ont leur pouvoir dinfluence. Il se pourrait bien que se soient eux qui disposent des solutions à nos excès. Et leur intérêt bien entendu est encore pour quelques années de nous sauver. Gageons quils y contribueront avec efficacité.
NB :
Si je ne conclue pas pareillement que Labadie, cela ne signifie pas que je nadmire pas son effort dintellection, ni moins encore ne lapprécie. Tout au contraire, je tiens à souligner ma dette intellectuelle à son égard et combien sans la lecture de ses analyses plus encore jaurais commis de plus grandes erreurs dans mes investissements.
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Graham
Fil complet:
- Felicitations a Loic Abadie et diverses analyses de crise - Hubisan_, 26/11/2007, 21:33
- quasiment 100% d'accord avec toi - publicjo, 26/11/2007, 22:04
- quasiment 100% d'accord avec toi - Hubisan_, 26/11/2007, 23:47
- un PER de 13 me paraît surévalué - publicjo, 27/11/2007, 22:15
- quasiment 100% d'accord avec toi - Hubisan_, 26/11/2007, 23:47
- Felicitations a Loic Abadie et diverses analyses de crise - chris, 27/11/2007, 09:43
- Crise véritable en mars 2008 ? - chris, 27/11/2007, 11:02
- félicitations et continuation du débat - Graham, 27/11/2007, 23:28
- Felicitations a Loic Abadie et diverses analyses de crise - labadie, 29/11/2007, 14:19
- quasiment 100% d'accord avec toi - publicjo, 26/11/2007, 22:04