félicitations et continuation du débat (Securibourse)

par Graham ⌂ @, mardi 27 novembre 2007, 23:28 (il y a 6201 jours) @ Hubisan_
édité par Graham, mardi 27 novembre 2007, 23:32

Je me suis souvent servi de l’analyse de Labadie, dont j’apprécie particulièrement la vision synthétique et projective, pour former ma propre opinion. Il me semble cependant utile de nuancer quelques uns de ses partis pris.

D’une part, il faut noter que si les risques d’une déflation, telle qu’il l’a présentée, existent, ils n’apparaissent aujourd’hui encore qu’à l’état de menaces. En effet, nous ne sommes pas encore en situation de déflation et pour lors l’économie américaine résiste assez bien. Aujourd’hui, les marchés réagissent en prévision de ces menaces et corrigent certains excès survenus sur quelques secteurs où l’enthousiasme des opérateurs a porté trop loin. Il ne faut pas voir dans la correction des marchés la certitude d’une récession mais seulement une meilleure prise en compte des risques réels existants. Que l’économie américaine fléchisse prochainement est presque certain. La dévalorisation du dollar concomitant à la restriction des possibilités de financement via le crédit et à la baisse de l’immobilier affectera sensiblement la consommation des ménages américains. Dans quelle mesure > Personne ne le peut bien estimer. Néanmoins, cela suffira-t-il à remettre en cause radicalement la croissance émanant des nouvelles puissances économiques. Rien n’est moins sûr. Dans chacun de ces pays émerge une grandissante classe moyenne disposant d’une forte épargne et encline à imiter le mode de consommation occidentale. Dans ces pays neufs, d’importants besoins d’infrastructures se font sentir. Les importants excédents commerciaux accumulés depuis quelques années peuvent servir à de tels investissements. Ces trois facteurs, loin d’être négligeables, peuvent contribuer à contrebalancer le déclin économique américain. D’ailleurs, faut-il le préciser, ce déclin est tout relatif. Il ne s’agit jamais que de la classe moyenne qui progressivement s’appauvrit. Il en est d’ailleurs de même dans beaucoup d’économie d’autres pays occidentaux. Ce qui ne signifie point du tout que les richesses s’amenuisent. Simplement, elles sont transférées vers les plus riches. Ces derniers investissent au-delà des frontières, à l’image de Buffett. On pourrait en citer beaucoup d’autres. Ce faisant, ils soutiennent les économies émergentes et contribuent au nouvel équilibre qui s’instaure. Cette perspective touche à une faiblesse du raisonnement de Labadie qu’il faut souligner. Les marchés intérieurs aux économies émergentes sont-ils suffisamment développés pour soutenir la croissance de ces pays > Cela se pourrait. J’ai évoqué l’émergence de classes aisées, le fort besoin d’infrastructure ainsi que l’énorme quantité de liquidité dégagée des excédents commerciaux. Ceux-là pourraient sauver la croissance de l’économie de ces pays en palliant la baisse de la consommation américaine. La vérité se situe entre ces deux hypothèses. Je crois bien qu’aucun économiste ne puisse vraiment le trancher. Nous nous en apercevrons progressivement au fur et à mesure des diverses publications tant d’indicateurs macroéconomiques que de résultats de sociétés. A ce titre, je ne crois pas qu’il faille faire tant de cas des dépréciations des institutions bancaires. En effet, globalement, les bilans de la grande majorité des sociétés se sont considérablement assainis ces dernières années au point de rendre moins vitales les besoins de refinancement.

Autre point à nuancer : il n’est pas évident qu’au lieu d’une déflation, nous ne soyons confrontés tout simplement à une forte inflation parallèlement à la persistance de la faiblesse du dollar. Les premiers signes observables paraissent accréditer cette possibilité : hausse des produits alimentaires, des cours des matières premières et agricoles et in fine, par endroits tension sur les salaires. Labadie a soutenu que le recours à l’inflation n’était pas envisageable parce qu’il provoquerait la ruine des ménages endettés à taux variables. Ce problème est typiquement occidental. Or, il apparaît que le phénomène inflationniste ni ne résulte, ni ne dépend des politiques occidentales. L’inflation que l’on voit poindre actuellement prend sa source dans les déséquilibres des nations émergentes. Par contagion, il atteint les économies occidentales. Les politiques économiques occidentales n’ont aucune emprise pour l’enrayer. Une augmentation des taux courts des banques centrales occidentales n’aurait aucun effet sur les marchés intérieurs émergents. La dévaluation du dollar, car au fond cela y ressemble beaucoup, parait comme orchestrée et résout pas mal de difficultés. Elle réduit indirectement la dette extérieure, augmente la compétitivité des entreprises américaines (susceptible de produire de nouveaux emplois) et rééquilibre un peu le rapport de change avec le yuan. La contrepartie est dans l’appauvrissement des classes moyennes et pauvres américaines par un fort fléchissement du pouvoir d’achat. Mais cela importe-t-il tant > Possiblement non. Les couches sociales américaines aisées disposent d’un patrimoine largement diversifié. Une grande part des actifs détenus par les sociétés et les ménages aisés américains est investie dans les économies étrangères et compensent presque intégralement le poids total de la dette américaine. Aussi, une dévaluation du dollar n’a point d’impact pour une fraction large des américains. Où se situe le pouvoir politique > Que soutient-il > Nous faisons là de l’idéologie. Mais observons plutôt dans les faits. Je ne veux point trancher : je suggère, j’invite à y songer. Il se pourrait bien que le pouvoir politique ne soit pas là où on le croit et qu’il ait une visée différente du bien commun de l’ensemble du peuple américain.

Ces développements ne sont pas exhaustifs ni mêmes seulement vérifiés. Je les propose comme des hypothèses possibles aux principaux scénarios aujourd’hui envisagés, notamment celui que Labadie a soutenu. Le pire n’est jamais certain. Les hommes savent souvent sortir avec habilité des situations les plus délicates. J’ai confiance dans l’ingénuité de tout ceux qui aspirent à nos niveaux de richesse. Ils sauront bien nous éviter le pire pour continuer à prospérer. Je propose aussi ce développement comme un palliatif à la morosité ambiante en insistant sur l’incertitude du scénario qui se réalisera et en évoquant des hypothèses moins alarmistes et plus réjouissantes. Pour ma part, je ne crois guère à une déflation violente. Certes, l’hypothèse est envisageable et a des probabilités non négligeables de se réaliser. Mais d’autres voies sont possibles. La géographie économique mondiale a mué. L’Occident n’est plus tout puissant, il n’est que puissant. L’Orient, le Sud, désormais aussi ont leur pouvoir d’influence. Il se pourrait bien que se soient eux qui disposent des solutions à nos excès. Et leur intérêt bien entendu est encore pour quelques années de nous sauver. Gageons qu’ils y contribueront avec efficacité.

NB :
Si je ne conclue pas pareillement que Labadie, cela ne signifie pas que je n’admire pas son effort d’intellection, ni moins encore ne l’apprécie. Tout au contraire, je tiens à souligner ma dette intellectuelle à son égard et combien sans la lecture de ses analyses plus encore j’aurais commis de plus grandes erreurs dans mes investissements.

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