Comment l'aurit dit Jean Gabin (Securibourse)

par Minos / Villas, mardi 09 octobre 2007, 09:06 (il y a 6250 jours)

Je sais que je ne sais pas... ou plutôt que je ne comprends pas...

La parole est donnée cette semaine à Marc Fiorentino, président d'Euroland Finance.

Il existe une règle, d’or mais non écrite, parmi les professionnels des marchés qui consiste à se sentir une obligation de trouver une explication à tout, tout de suite. Même s’il n’en existe pas. Même si on doit dire le contraire de ce qu’on a dit précédemment. Même si on doit renier ses convictions profondes. En se basant sur un dogme : « Le marché a toujours raison ». Si le marché a toujours raison et qu’on ne veut ni avoir tort, ni donner l’impression de ne pas être professionnels, on a réponse à tout. « Pourquoi le Dow Jones est à son plus haut historique alors que l’immobilier aux Etats-Unis s’écroule > C’est normal car si l’économie s’écroule, la FED va baisser ses taux et ça c’est bon pour les actions ! » « Pourquoi le CAC monte t’il alors que le dollar baisse > C’est normal car si le dollar baisse, c’est favorable aux actions américaines et ce qui est favorable aux actions Américaines est favorable aux Actions Françaises ». Du tac au tac. Et je pourrais citer des dizaines d’exemples , et faire même « un petit guide des explications a posteriori ».

Mais avec plus de 25 ans d’expérience sur les marchés, je revendique le droit de dire que je ne comprends pas ce qu’il se passe. Non. Il n’y a pas d’explication à tout. Pas de vraie explication. Non. Avec une économie américaine au tapis, un dollar en déroute, des matières premières agricoles au prix de l’or lui-même à un niveau record, un pétrole à un cours de choc pétrolier, une Chine en surchauffe, des marchés du crédit en lambeaux, des banques en équilibre instable et des déséquilibres commerciaux abyssaux, je ne peux pas, sans trahir mes convictions, prétendre qu’il est normal que les marchés d’actions montent.

On me rétorque que les grandes valeurs sont à des cours relativement bas par rapport aux prévisions de résultats... je réponds que les espoirs de résultats futurs sont déconnectés de la réalité. On m’explique que la croissance mondiale peut se passer momentanément de la croissance américaine grâce à la nouvelle puissance des pays émergents et surtout de la Chine, je ne peux m’empêcher de penser que la Chine aujourd’hui est dans une situation plus inquiétante que le Japon en 1989. On me donne encore de la « liquidité mondiale » prête à se déverser à nouveau sur les marchés, je réponds que la crise de cet été n’est pas finie. On me parle de nouvelles corrélations, de « nouvelle économie », je réponds que ce sont les arguments qu’on avançait en 1999.

Je suis fier de vous dire aujourd’hui que je ne comprends pas. Pour paraphraser Jean Gabin « ce que je sais aujourd’hui, c’est que je ne sais pas ». Et comme le dit Warren Buffet, qui avait une étiquette de « has been » pendant la bulle internet, il ne faut investir que quand on comprend et dans ce que l’on comprend.

Le marché a toujours raison. C’est vrai. Dans ce cas, je préfère ne pas être dans le marché. Je ne comprends pas, donc je n’investis pas.


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