Avenir Finance - AVF (Securibourse)
Article publié en décembre 2008 dans Lyon Mag
Le groupe lyonnais spécialiste des placements défiscalisés, qui a longtemps profité de la flambée de l'immobilier et de la Bourse, est durement touché par la crise. Enquête.
On cherche tous du boulot, avoue un cadre dAvenir Finance. Il faut dire que ce groupe lyonnais est doublement touché par la crise immobilière et boursière. Fin novembre, l'action est tombée sous les 4 euros. Soit une baisse de 75% depuis le début de l'année. Pourtant Avenir Finance a toujours été très rentable. Grâce au dynamisme et à la créativité de son pdg, Danyel Blain, un financier atypique qui a commencé comme éducateur avant dentrer en 1975 à lUnion financière de France (UFF), une filiale de Suez spécialisée dans la gestion de patrimoine. Vingt ans plus tard, ce travailleur acharné claque la porte pour monter sa propre entreprise, Avenir Finance, qui vend des produits financiers sur mesure à ses clients. Une dizaine de fidèles, des cadres de lUFF, le suivent dans laventure. Lentreprise commence à distribuer des placements immobiliers et financiers défiscalisés pour des hommes daffaires qui veulent obtenir un meilleur rendement de leur épargne tout en payant moins dimpôts. Et ça marche. En 2001, Avenir Finance réalise 17,9 millions deuros de chiffre daffaires pour 1 million deuros de résultat net. Danyel Blain ne sarrête pas là, et lannée suivante, il rachète Sicavonline.com, un site internet qui distribue des portefeuilles boursiers et des produits de placement dans des PME non cotées en Bourse. Puis en 2005, il se lance dans lintroduction en Bourse de PME en créant Avenir Finance Corporate. Et cest le jackpot : 1,9 million deuros de chiffre daffaires pour 520 000 euros de bénéfice dès la première année. Lentreprise lyonnaise qui emploie 132 salariés surfe sur le boom de limmobilier et leuphorie boursière. En 2006, le chiffre daffaires atteint 42 millions deuros pour 3 millions de bénéfice net. Mais en 2007, cette belle mécanique senraye. Le chiffre daffaires recule de 7% à 39 millions deuros alors que le bénéfice net est divisé par trois. Et la dégringolade saccélère en 2008 : au premier semestre, le chiffre daffaires est en chute de 35% et, pour la première fois de son histoire, le groupe affiche des pertes : 3 millions deuros.
Débâcle
Cest la faute de la conjoncture, martèle Danyel Blain. Et cest vrai que depuis le début de lannée, le CAC 40 a perdu 40% de sa valeur. Les fonds gérés et distribués par Avenir Finance, qui sont constitués par des actions dentreprises cotées en Bourse, nont pas résisté à cette débâcle. Aujourdhui, ils sont tous dans le rouge. Du coup, depuis 18 mois, la rentabilité sest effondrée. Dans la vente dactions et de produits financiers, le résultat net a été divisé par deux alors que dans lactivité de gestion de placements financiers il a baissé de 56%. Mais il ny a pas que la conjoncture. Aujourdhui, avec la crise boursière, les investisseurs recherchent des placements sécurisés, avec capital et taux dintérêt garanti. Comme les produits monétaires et les assurances vie en euros. Mais Avenir Finance nen distribue pratiquement pas.
Et cest encore pire dans lactivité de conseil aux entreprises, Avenir Finance Corporate, qui introduit notamment des PME en Bourse. Le chiffre daffaires a été divisé par deux lannée dernière, doù une perte de 472 000 euros. Pourtant, quand Avenir Finance sest lancée sur ce créneau en 2005, elle a réalisé 11 introductions boursières. Et pour s'imposer sur ce marché, le groupe lyonnais avait recruté les meilleurs spécialistes. Mais lannée suivante, la plupart de ces cadres ont quitté lentreprise quand Danyel Blain a créé Avenir Finance Securities, une activité de courtage chargée danalyser, dacheter et de revendre des actions de PME cotées en Bourse. Lidée est cependant judicieuse, car jusquici, les financiers dAvenir Finance ne faisaient que préparer les dossiers dintroduction pour que les autorités boursières accordent leur visa. Un travail indispensable mais qui ne permet pas de réaliser des marges importantes. Alors quau contraire la vente dactions dentreprises auprès des investisseurs avant leur introduction en Bourse était réalisée par des courtiers qui prélevaient une commission de 5% sur le montant des capitaux levés. Du coup, Danyel Blain veut se charger lui-même de la vente des titres. Mais plusieurs cadres refusent cette stratégie et démissionnent en estimant quil y a mélange des genres : Vous ne pouvez pas à la fois introduire une entreprise en Bourse et inciter les investisseurs à acheter des titres de cette même entreprise. Car il y a conflit dintérêt, estime un ancien cadre dAvenir Finances.
Cette véritable fuite des cerveaux va paralyser Avenir finance Corporate puisque, entre mai 2006 et mai 2007, elle réalisera quatre introductions en Bourse seulement. De plus, en lançant sa propre activité de courtage, Avenir Finance concurrence les entreprises du secteur... Lesquelles font tout pour flinguer ce nouvel intrus. Quand on a commencé à travailler, on sest aperçus que toute la place financière faisait pression sur les investisseurs pour les empêcher de travailler avec nous : ils disaient que nous nétions pas crédibles car plusieurs cadres avaient quitté lentreprise. Ce qui était complètement faux mais ça a été efficace. Dautant plus que dans le milieu de la finance, les rumeurs vont vite, raconte un cadre dAvenir Finance. En tout cas, avec les mauvais résultats de ses activités de conseil, de distribution et de gestion dactifs, Danyel Blain perd énormément dargent. Même le cur de lactivité, Avenir Finance Immobilier, qui représente 43% du chiffre daffaires est menacé. Car lune des spécialités de lentreprise, cest dacheter puis de revendre à des hommes daffaires des bâtiments classés par lEtat. Ensuite, les investissements réalisés pour la rénovation de ces bâtiments sont exonérés dimpôts. Cest la fameuse loi Malraux. Or cette loi est aujourdhui dans le collimateur du gouvernement, qui veut sattaquer aux niches fiscales en plafonnant les exonérations fiscales. Le Parlement devrait se prononcer début 2009.
38 millions de dette
Pour affronter cette crise, Danyel Blain a augmenté de 50% le nombre de ses commerciaux. Il espère ainsi relancer la vente de ses produits financiers et immobiliers. En effet, pendant plusieurs années, Avenir Finance sest concentrée sur la fabrication de produits financiers plutôt que sur leur distribution, quelle a confiée à des prestataires extérieurs. Grave erreur.
Pour faire ce métier, il faut avoir ses propres commerciaux et les envoyer sur le terrain faire du porte-à-porte, convaincre les clients et gagner leur confiance. Car il s'agit quand même de gérer leurs économies personnelles, et là, on touche à quelque chose dintime, explique un gestionnaire de patrimoine basé à Lyon. Une erreur que le patron dAvenir Finance veut corriger rapidement. Mais ça va prendre du temps. Dans ce métier il faut former ses commerciaux à la culture de lentreprise pour quils soient opérationnels, mais aussi les motiver. Et ça, ça ne se fait pas en un jour, ajoute ce gestionnaire de patrimoine qui avoue passer 10 heures par jour sur le terrain aux côtés de ses commerciaux. Bref, aujourdhui, Avenir Finance est à un tournant. Lentreprise devrait perdre plusieurs millions deuros cette année et elle traîne désormais une dette de 39 millions deuros dont 38 millions sont exigibles à moins dun an. Tout dépendra de lattitude des banques. Vont-elles accepter de rééchelonner cette dette pour laisser le temps à ce groupe lyonnais de se redresser > Une certitude, lannée 2009 sera décisive pour Danyel Blain.
Emmanuel Derville
e.derville@lyonmag.com
Serein
Pour Danyel Blain, Pdg dAvenir Finance, la situation de son groupe nest pas catastrophique.
Pourquoi cette baisse de votre chiffre daffaires >
Danyel Blain : Parce que la crise économique est exceptionnelle. En 32 ans de carrière, je nai jamais vu ça ! Plus personne na confiance dans lavenir : les achats de biens immobiliers se sont pratiquement arrêtés, les achats de voitures aussi... Ce qui pénalise les entreprises. En plus, depuis 4 mois, lessentiel de lépargne sest déplacé vers des placements où le capital est garanti et vers des comptes sur livret comme le livret A... Du coup, notre activité est en baisse dans le conseil aux entreprises et la distribution de produits financiers. Enfin, dans limmobilier qui est notre principale activité, les acheteurs ont du mal à trouver un crédit ce qui nous pénalise là encore.
Vous êtes inquiet >
Non, jai pris les décisions nécessaires et je suis serein pour 2009. Les gens ne pourront pas indéfiniment adopté cette position attentiste.
Et pour limmobilier >
Nous sommes sur une niche, limmobilier haut-de-gamme, qui va mieux sen sortir que lensemble du secteur. Dailleurs, cette année, on fera mieux que le marché.
Les mesures que vous avez prises >
Au 13 août 2008, nous avions recruté environ 13 commerciaux. Car jusquà présent, on commercialisait 40% de nos produits via des prestataires extérieurs. Du coup, on ne pouvait pas les motiver. Et en période de crise, cest essentiel. Alors que le chiffre daffaires de ces commerciaux indépendants est en baisse de plus de 80%, celui de nos commerciaux en interne progresse.
Et vous pensez les banques vont continuer à vous soutenir >
Ça fait 13 ans quAvenir Finance existe et pendant 12 ans, on a toujours gagné de largent, ce qui nous donne un peu de crédit. Nous avons un savoir-faire et ça rassure les banques. Et puis je crois que la crise financière est passée car les pouvoirs publics ont réagi de façon vigoureuse. En revanche, il y a un blocage psychologique. Les entreprises et les consommateurs, qui ont peur, hésitent à investir et à consommer. Mais il faut dépasser ce blocage. Tout se jouera au premier semestre 2009.
Et finalement les neuf premiers mois de 2009 ont été plutôt corrects. Le bénéfice net 2009 estimé est supérieur à 2M. Le profil de risque est amélioré avec l'abandon du portage des programmes immobiliers (ce qui explique la légère baisse de CA sur 9 mois). La valorisation de la participation dans Sicavonline au prix payé par Fortis représente la moitié de la CB pour un tiers de l'activité. Si on croit à la pérennité de la reprise actuelle des marchés immobiliers et boursiers (ce qui n'est pas mon cas), le titre peut être joué, attention toutefois à la très forte volatilité des cours. Dans le secteur, je préfère UFF (les métiers ne sont pas tout à fait les mêmes) moins risqué, avec la possibilité d'un rachat des minoritaires par Aviva et un bon rendement sauf cette année et sans doute l'an prochain ....:-
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