Les conditions d’une capitulation : (Oddo ce jour) (Securibourse)

par J.L. @, mardi 07 octobre 2008, 11:48 (il y a 5886 jours)

Les conditions d’une capitulation : y sommes-nous aujourd’hui >

Non, il ne faudra pas attendre la fin de la crise bancaire ou l’arrêt de la
détérioration de la conjoncture économique globale pour redevenir
constructif sur les marchés Actions. En même temps, on voit bien que la crise financière continue à se propager tel un incendie de forêt pas encore maîtrisé et qu’un ralentissement marqué de l’économie mondiale va impacter les profits des entreprises pour les trimestres à venir et ce, peut être violemment. Il faut donc rechercher des indicateurs techniques qui pourraient permettre en quelque sorte en aveugle de conclure à la solidité d’un point bas et examiner le signal qu’ils donnent à ce stade ou pourraient donner à court terme. Nous en étudions quatre : distance au point haut, catalyseur de choc psychologique, rotation sectorielle et impact/absence d’impact des mauvaises nouvelles. Notre conclusion à ce jour : on approche d’un vrai point bas, mais on n’y est pas encore malheureusement.

Quels indicateurs techniques pour une capitulation >
À ce stade de la correction boursière (-34% perdus sur le S&P 500 depuis les
points hauts, près de -40% en Europe), nous cherchons à définir précisément
les conditions qui nous inciteraient à devenir plus constructif sur les marchés
Actions. Certes, les moteurs de la correction (crise bancaire majeure,
récession dans les pays industrialisés et ralentissement visible dans les
émergents) sont puissants et ne vont pas s’essouffler rapidement – ils ont été
trop longtemps sous-estimés ! – mais on peut évidemment penser qu’à moins d’un effondrement bancaire général, ce qui ne nous paraît pas le scénario le plus probable, les fondamentaux économiques cesseront de se dégrader au cours des prochains trimestres et les marchés Actions jouant leur rôle d’anticipation traditionnel, un point bas solide sera trouvé avant que
l’économie ne cesse de se dégrader. Nous avons cherché quels pourraient
être les signes techniques montrant qu’un tel point bas est en vue, étant
entendu que ce point bas est censé être franchi avec une visibilité très faible sur les fondamentaux - et donc les niveaux de valorisation - et qu’on ne peut donc pas se baser sur leur évolution. Nous nous posons ensuite la question de savoir si ces conditions sont remplies aujourd’hui ou pourraient l’être à brève échéance.
Nous recensons quatre indicateurs : l’ampleur de la correction depuis le point
haut, la survenance à brève échéance d’une action constituant un choc
psychologique, l’absence de dispersion marquée des performances des secteurs et des valeurs dans la baisse et enfin l’absence de réaction négative aux mauvaises nouvelles sur le front des résultats.
Nous reprenons chacun de ces indicateurs un par un : donnent-ils des signes
d’une capitulation marquée aujourd’hui >
1- Une baisse suffisante depuis les points hauts précédents,
étant entendu que la crise actuelle est a priori au-dessus de la
moyenne : il en manque encore, peut-être 10%
C’est pour nous un indicateur clé. Il concerne en premier lieu le marché
américain dans la mesure où : a) c’est le marché dominant en termes de
formation du sentiment boursier global et b) un historique long sur l’aprèsguerre est aisément consultable, en particulier sur l’indice de référence le S&P 500. Au risque de nous répéter, l’historique depuis les années 1970 montre une correction depuis le point haut précédent à 36% en moyenne (-50% au pire) pour les marchés baissiers (plus de 20% de baisse depuis le point haut) coïncidents avec une phase de ralentissement économique
qualifiée a postériori de récession. On retrouve aussi une moyenne de correction depuis les points hauts de 36% environ pour les marchés baissiers
ayant duré plus de 12 mois (là aussi -50% au pire).

Il est maintenant avéré que les événements en cours peuvent difficilement
être considérés comme une correction moyenne de récession :
. la crise financière est d’une ampleur inégalée depuis l’après-guerre ;
. on est encore dans le flou sur l’ampleur du ralentissement économique et
sur son impact en termes de baisses des bénéfices, mais les derniers
indicateurs aux États-Unis et en Europe montrent une dégradation très rapide ces derniers mois et il faudrait être d’un optimisme béat pour ne pas s’attendre à un impact négatif marqué qui va se prolonger au cours des
prochains trimestres.
La conclusion opérationnelle qu’il faut tirer de ces éléments est, selon nous,
qu’à moins de 40% au moins de distance du point haut précédent aux États
Unis, il est difficile d’être en terrain solide du point de vue de ce critère. Il pourrait donc manquer encore 10%, toutes choses égales par ailleurs.
2- Un choc psychologique pouvant infléchir la dynamique de
propagation de la crise financière : le plan Paulson ne semble
pas suffire à ce stade à lui tout seul, que peut-on espérer de
surcroît en termes d’interventions publiques >
Au fur et à mesure de la correction de ces derniers trimestres, on a cru
trouver à plusieurs reprises un tel facteur, pouvant jouer le rôle de catalyseur d’un cha ngement de sentiment. Ce fut dans un premier temps – dès la fin 2007 – la baisse résolue des taux de la banque centrale aux États-Unis. Ce signal, valide la plupart du temps dans les marchés baissiers, n’a pas fonctionné, les marchés interbancaires ayant connu une aggravation
continue de leur état tout au long de ces derniers mois : le problème pour les
institutions financières n’est plus un problème de liquidité mais bien de
solvabilité ou plutôt de confiance dans leur solvabilité. On a ensuite évoqué
l’épisode Bear Stearns mais lui non plus n’a pas suffi. La faillite de Lehman,
quelques mois plus tard, semble au contraire avoir constitué un catalyseur
négatif, la chute de la banque d’investissement précipitant la quasi-totalité
des marchés de dette dans un coma inquiétant.
Le plan Paulson, qui constitue la première réponse systémique à la crise
financière apportée par les autorités, semble avoir fait long feu dans ce rôle :
le plan aura un impact positif certes, mais il ne semble pas à même à lui tout
seul d’inverser la logique de retranchement/liquidation de la sphère financière maintenant à l’oeuvre. Incidemment, un nouveau point bas a été franchi sur le S&P 500 dans la foulée du vote du plan par la Chambre des Représentants Vendredi dernier.
Le non fonctionnement avéré des marchés de dette ces derniers jours
implique qu’une intervention permettant un choc psychologique ne peut
provenir à ce stade que de la puissance publique et concerner bien
évidemment les institutions financières.
Que peut-on attendre de plus du côté des autorités américaines >
La Fed pourrait baisser encore plus ses taux et cette action pourrait produire
un effet psychologique démultiplié si d’autres banques centrales agissent de
concert avec la Fed : on pense en premier lieu à la BCE – dont le ton a
connu une inflexion notable la semaine dernière et aussi à la Banque
d’Angleterre.
Il est cependant permis de penser que la Fed, déjà très active sur le front de
la liquidité interbancaire, ne bougera pas avant d’avoir connu les premiers
effets du Plan Paulson, qui ne devrait pas être effectif avant début novembre
au plus tôt. Plus fondamentalement, on peut douter de l’effet choc
psychologique de telles actions - à elles seules - dans la mesure où elles
n’adressent pas directement le problème de manque de confiance dans la
solvabilité des banques. Le fait que les taux réels soient demeurés négatifs
ces derniers mois aux États-Unis ne semble pas avoir freiné la propagation
de la crise financière.

Concernant l’arme fiscale, il ne faut pas s’attendre à de nouveaux
développements avant plusieurs mois maintenant dans la mesure où une
nouvelle administration et un Congrès renouvelé n’entreront en fonction que
plusieurs mois après l’élection de novembre. Il faut donc s’en remettre
exclusivement aux premiers effets du plan Paulson dans l’intervalle.
C’est peut-être du côté européen qu’il faut chercher un catalyseur additionnel
et ce, d’autant plus que les derniers développements placent désormais les
banques européennes au centre des turbulences.
Nous pensons que le problème fondamental est maintenant celui de la
capitalisation insuffisante des banques face à la taille de leurs bilans et à la dégradation de la qualité de leurs actifs. Concernant ce dernier point, une
bonne part de la dégradation est certes déjà avérée à ce stade mais d’autres
mauvaises nouvelles sont encore à venir avec la dégradation du cycle
économique. Nous persistons à penser que la création d’un fonds de
recapitalisation des banques à l’échelle européenne ou tout au moins son
équivalent national dans les principaux pays de l’Union pourrait constituer un
catalyseur important pour peu que la taille de l’intervention publique soit à la hauteur de l’enjeu : le montant de 300 Md€ cité la semaine dernière - 3% du
PNB de la zone - nous paraît le bon ordre de grandeur. Le Royaume-Uni semble avancer vers une telle solution à présent : il faut espèrer que les autres pays suivent et n’en restent pas au stade des intentions.
Au final, la conjonction des premiers effets du plan Paulson, des baisses de
taux synchronisées et des actions significatives de recapitalisation en Europe
constituent ce qu’il faut attendre de mieux à court terme de la part des
pouvoirs publics pour contrecarrer la perte de confiance financière : tout cela mis bout à bout pourrait inverser la tendance, mais on n’en est pas encore là à ce stade.
3- Les signes de la fin de la rotation sectorielle de protection
avec des baisses plus indiscriminées suivant les secteurs : on
n’en est pas encore tout à fait là, attention à l’effet retardant des
rebonds techniques
On associe généralement deux phases à une correction boursière de
ralentissement économique. Un premier temps voit les performances des
secteurs diverger sensiblement avec leur sensibilité au cycle économique :
dans cette phase, les secteurs défensifs tendent à mieux résister que le
marché dans son ensemble car les investisseurs opèrent une rotation
sectorielle de grande ampleur des secteurs les plus cycliques et les plus
exposés vers ceux réputés défensifs. La deuxième et dernière phase de la
correction s’apparente plus à une liquidation générale, dans laquelle les
investisseurs soldent leurs avoirs de manière indiscriminée, d’où l’idée de
capitulation. Dans cette phase, la dispersion des performances entre les
différents secteurs et les différentes valeurs tend à s’amenuiser après avoir
été significative dans la première phase.
La correction boursière présente n’a revêtu jusque là qu’en partie ces formes
traditionnelles. Le clivage cyclique/défensif est resté longtemps au second
plan avec la bonne tenue des pays émergents et des cours des matières
premières. Les cycliques de base ont pendant une bonne partie de l’année
bénéficié en lieu et place des défensives des faveurs des investisseurs face
à la chute des valeurs financières et des cycliques de consommation. Ce
n’est que dans les séances de baisses récentes qu’on voit un alignement
plus net suivant le clivage cyclique/défensif avec une baisse marquée et
synchronisée de l’ensemble des cycliques.

Le tableau ci-dessous récapitule les évolutions des secteurs de notre indice
européen de référence, le DJ Stoxx, sur l’exercice 2008. Les performances
depuis le début de l’année commencent à peine maintenant à mieux refléter
la rotation sectorielle traditionnelle vers les "valeurs sûres" et le degré de
dispersion des performances reste somme toute modéré (écart type
annualisé des variations secteurs par rapport à l’indice à environ 11% contre
un mouvement général de baisse pour l’indice de -30%).
DJ STOXX & SECTORS – ABSOLUTE PERFORMANCE & DEVIATION 2008 YTD
02/10/2008 Perf Q1 08 Perf Q2 08 Perf Q3 08 Perf QTD Perf YTD
Chemicals -10.0% 5.8% -18.0% -6.4% -26.9%
Oils -17.3% 15.7% -22.6% -4.4% -29.2%
Paper / Packaging -13.6% -14.8% 0.3% 1.3% -25.0%
Metals & Mining -5.9% 16.4% -44.2% -9.0% -44.0%
Aerospace / Defence -16.8% -10.3% -3.4% 0.1% -27.6%
Construction -10.3% -20.1% -13.4% -3.0% -39.8%
Building materials -10.2% -16.9% -14.2% -4.1% -38.6%
Capital Goods -17.9% 0.6% -17.8% -5.5% -36.2%
Support sces -10.8% -2.9% -9.0% -0.8% -21.6%
Airlines -24.8% -15.0% -3.6% 0.1% -38.3%
Automotives -14.6% -18.9% -3.5% -9.3% -39.4%
General retailers -20.9% -16.0% -7.1% 0.7% -37.6%
Hotel / leisure -18.3% -11.7% -13.2% -0.4% -37.7%
Luxury/consumer goods -18.2% 0.4% -11.8% -1.9% -28.9%
Home & Personal Care -14.7% -10.7% 2.9% 0.0% -21.5%
Food producer -9.2% -10.6% 4.8% 0.4% -14.5%
Beverages -14.1% -9.3% -4.3% -2.8% -27.6%
Food retail -17.2% -10.9% -0.4% 1.1% -25.8%
Health -13.7% 1.7% 2.5% 2.2% -8.1%
Utilities -16.6% 0.3% -11.8% -0.8% -26.9%
IT Hardware -23.9% -13.7% -12.1% -2.1% -43.4%
Media -20.2% -11.1% 0.5% 2.0% -26.4%
Broadcasting -20.2% -11.2% -5.6% 2.1% -31.8%
Semiconductors -32.7% 4.8% -11.3% 2.9% -35.7%
IT Services -11.3% 0.8% -9.2% -1.7% -19.9%
Software -12.7% 5.6% 9.3% -4.6% -2.9%
Telecoms -22.7% -3.5% -8.4% 2.0% -30.3%
Insurances -11.4% -14.4% -5.2% -0.6% -28.5%
Banks -18.8% -16.8% -9.0% 5.1% -35.3%
Property, holdings, other
financials
-14.8% -12.3% -14.3% 1.2% -34.4%
DJ Stoxx -16.1% -5.4% -11.5% -0.7% -30.3%
Average, sectors -16.1% -6.6% -8.4% -1.2% -29.5%
Std deviation 5.6% 9.8% 10.0% 3.4% 9.7%
Std deviation, annualised 11.1% 19.7% 20.0% ns 11.2%
Ces éléments tendent donc à suggérer qu’on peut aller encore plus loin dans
la phase de rotation sectorielle vers les défensives et ce, d’autant plus que le marché reste encore prompt au moindre rebond technique à repartir en arrière – en privilégiant les cycliques les plus dures - et à effacer les effets de la rotation sectorielle de ces dernières semaines. Il faut cependant
reconnaître qu’on a vu poindre dans la baisse générale d’hier les premiers
signes de baisses plus indiscriminées : la confirmation de cette tendance
pourrait signifier l’imminence d’une capitulation plus nette.
Flash stratégie

4- Des profit warnings sur les cycliques qui ne font plus baisser
les cours : le problème c'est qu'ils n’ont pas encore vraiment
commencé !
Le mécanisme d’anticipation propre aux marchés boursiers veut que les
cours des sociétés affectées par le ralentissement économique repartent
avant qu’un point bas soit observable dans leurs fondamentaux – en pratique
leurs résultats -. Le fait qu’à partir d’un certain degré de correction des cours, les révisions en baisse des perspectives n’impactent plus les valorisations des sociétés – concrètement, les avertissements sur résultats ne font plus baisser les cours - est une manifestation classique de ce mécanisme et indique qu’un point bas a de grandes chances d’avoir été franchi en termes de valorisation.
Hélas, la situation actuelle s’apparente difficilement à ce cas de figure pour la bonne et simple raison qu’en dehors des banques et de quelques secteurs de consommation discrétionnaire, les prévisions de résultat n’ont subi que des ajustements modérés dans cette correction. Si pendant une bonne partie de 2008, on a pu croire que l’économie mondiale traverserait la période sans fort ralentissement et donc sans rupture sensible de la tendance dans nombre de secteurs, il est maintenant avéré que le ralentissement sera
marqué et il faut donc s’attendre à des révisions plus drastiques sur 2009 en
rapport avec la sensibilité au cycle de chaque secteur. En résumé, les
avertissements sur les résultats sont encore devant nous et il est bien tôt
pour anticiper qu’ils n’auront pas d’impact sur les valorisations actuelles,
même s’il est vrai que celles-ci apparaissent désormais modérées, en
particulier en Europe. Cet indicateur n’est donc pas susceptible de nous
donner un signal positif à court terme, ce qui constitue selon nous une bonne
raison d’être très regardant concernant
:-) :-)


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