Inventaire des tensions et des incertitudes pour 2008(Le Mon (Securibourse)

par Magnie, lundi 07 janvier 2008, 16:28 (il y a 6160 jours)

Inventaire des tensions et des incertitudes pour 2008(Le Monde daté du 8)

"Si j'ai un mot à attacher à 2008, c'est incertitude", explique Stephen Jen, économiste de Morgan Stanley dans une note publiée mercredi 2 janvier. L'expert parie que l'économie américaine évoluera "sur une trajectoire en forme de U" : un plongeon au premier semestre suivi d'un relèvement dans la seconde partie de l'année. "Mais l'ampleur du chemin baissier est si incertaine que le ralentissement sera susceptible d'invoquer la crainte d'une répétition de la décennie perdue au Japon", ajoute-t-il. Dans les années 1990, l'explosion de la bulle immobilière avait laissé aux établissements de crédits nippons des montagnes de créances douteuses, qui les ont paralysés et entraîné le pays dans la déflation.
Après avoir eu des effets désinflationnistes dans les pays développés, l'essor des pays émergents, gourmands en pétrole et en matières premières, provoque des tensions sur les prix et complique l'action des banques centrales pour juguler la crise. Les banques peinent à se prêter entre elles, inquiètes de possibles défauts de paiement. En "titrisant" leurs crédits, elles ont disséminé leurs risques auprès des investisseurs mais aussi entretenu un doute sur les engagements restant à leur charge. D'où ces derniers mois une crise de confiance généralisée. Les banques centrales ont été obligées de jouer les pompiers, multipliant leurs interventions, en décembre, pour fournir aux établissements de crédit des liquidités nécessaires afin de clôturer leurs comptes annuels. Le renchérissement du refinancement bancaire et le gel des marchés de titrisation conduisent les banques, à relever les conditions de crédit à leurs clients. Ce "choc de défiance" atteint la France comme ses partenaires de la zone euro, souligne Mathieu Kaiser, économiste chez BNP Paribas, dans une note publiée en décembre : "L'incertitude entourant les bilans des banques, précise-t-il, a impliqué un renchérissement durable de leur refinancement."

Si ces tensions persistent un peu partout dans le monde, elles pourraient coûter cher à la croissance. Selon une étude de la banque Goldman Sachs du 19 novembre, la facture totale de la crise des subprimes, en tenant compte des effets indirects comme le crédit plus rare et plus cher, pourrait atteindre jusqu'à 2 000 milliards de dollars (1 350 milliards d'euros)... Dans une note de novembre, Keith Wade et Tina Fong, les économistes de la société de gestion Schroders, soulignaient déjà "le danger croissant de voir le resserrement du crédit contaminer des pans entiers de l'économie".

Pour sortir de ce cercle vicieux, il faudra d'abord que le montant exact des pertes soit établi et que ses porteurs soient identifiés. Cette facture pourrait atteindre 400 milliards de dollars, selon une estimation de la Deutsche Bank publiée fin octobre 2007. Les grandes banques internationales ont déjà opéré pour plus de 70 milliards d'euros de dépréciations d'actifs dans leurs comptes, a calculé l'agence Reuters le mercredi 2 janvier. L'opération-vérité n'est donc pas terminée. Elle a en tout cas déjà obligé ces établissements à faire appel à des capitaux frais pour reconstituer leurs fonds propres : les fonds souverains chinois, singapourien ou d'Abu Dhabi - véritables cagnottes publiques dont les réserves de change ont gonflé ces dernières années avec l'envol des exportations de ces pays - ont investi en décembre plusieurs milliards d'euros dans les banques Morgan Stanley, UBS, Merrill Lynch, Citigroup... Pour M. Jen, l'influence de ces fonds souverains devrait s'accroître en 2008 car ils devraient "continuer à être des financiers sans contraintes", les pays pétroliers accumulant 8 milliards de dollars de surplus par semaine et la Chine 7,5 milliards de dollars. Les énormes réserves de liquidités des pays émergents pourraient donc trouver un chemin, qui reste à tracer, pour contribuer au redémarrage du système financier international, à condition que celui-ci retrouve de la clarté et de la lisibilité sur ses propres risques afin de rétablir la confiance.
Adrien de Tricornot
Article paru dans l'édition du 08.01.08.


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