Les fonds d’Etat (Investir) (Securibourse)

par Bobo, vendredi 09 novembre 2007, 22:28 (il y a 6219 jours) @ Mesto

Samedi 10 novembre 2007 / Investir n° 1766

PROTECTIONNISME. Les fonds d’Etat, contrôlés notamment par des économistes et certains pays asiatiques et arabes, ont récemment suscité beaucoup d’attention de la part des responsables politiques. Ils posent, en effet, un certain nombre de questions réglementaires.

Les fonds d’Etat ou les limites de la doctrine libérale

[image]

Ils sont de plus en plus nombreux depuis quelques mois à se préoccuper de l’importance croissante des fonds d’Etat (également appelés fonds souverains) dans la finance internationale. Après les déclarations, cet été, de la chancelière allemande, appelant à plus d’encadrement de ces fonds, c’est le G7 qui, fin octobre, s’est à son tour penché sur le problème lors de sa dernière réunion. Même si les discussions n’ont abouti à aucune avancée concrète, les représentants des sept pays sont au moins tombés d’accord sur la nécessité de plus de transparence de leur part. Le secrétaire d’Etat au Trésor étatsunien, Henry Paulson, a de son côté préconisé la définition de standards de comportement par le Fonds monétaire international (FMI). Car, bien que la plupart des pays contrôlant de telles structures d’investissement se soient jusqu’ici défendus de toute arrière-pensée politique dans leurs choix, les Occidentaux restent sceptiques.
En pointe sur le sujet, Berlin n’a d’ailleurs pas attendu d’initiative internationale pour dévoiler, fin octobre, un projet de loi prévoyant, entre autres, la possibilité d’interdire aux investisseurs étrangers à l’Union européenne d’acquérir plus de 25 % du capital d’une société cotée. Outre-Atlantique, le Comité sur les investissements étrangers aux Etats-Unis (Cifus), qui veille déjà au grain depuis 1975, a lui aussi vu ses pouvoirs renforcés ces dernières années.
Il peut ainsi faire échec, même de manière rétroactive, à une acquisition étrangère mettant en péril la « sécurité » du pays, le concept sécurité ayant été laissé volontairement indéfini, à sa discrétion.

Une tendance difficile à inverser

Les fonds d’Etat, qui, selon les estimations des économistes de grandes banques d’investissement comme Goldman Sachs, Merrill Lynch, Morgan Stanley ou Deutsche Bank, accumuleraient entre 1.500 et 3.500 milliards de dollars d’avoirs et pourraient atteindre 8.000 milliards de dollars d’ici à 2011, voire 12.000 milliards de dollars d’ici à 2015, fascinent et font de plus en plus peur.
« Les fonds souverains et les sociétés publiques cotées remettent en question notre modèle réglementaire [des marchés financiers] », reconnaissait publiquement il y a deux semaines Christopher Cox, président de la SEC, l’autorité de régulation des marchés financiers aux Etats- Unis. Mais le mouvement, entamé il y a plus de dix ans, selon lequel les pays émergents exportateurs et les pays pétroliers ont financé nos déficits budgétaires (publics ou privés) avec leurs excédents commerciaux sera difficile à inverser et l’avenir semble devoir encore sourire aux fonds d’Etat.
Les sénateurs français se sont également intéressés au sujet. De retour d’un voyage en Arabie saoudite, à Bahreïn et aux Emirats arabes unis, les membres de la Commission des finances évoquaient, dans un rapport rendu public il y a quelques semaines, l’importance de la manne pétrolière accumulée ces dernières années et surtout la volonté des autorités de ces pays d’investir ces fonds à l’étranger, n’hésitant pas à recourir à la compétence de grands spécialistes occidentaux de la finance. Jean Arthuis, président de la commission, a aussi souligné le manque d’intérêt porté par les différents responsables rencontrés pour le concept de transparence.

Des approches divergentes

On touche donc là à l’une des limites de la doctrine libérale transposée à l’échelle mondiale. Comment accepter que des pans de l’économie de certains pays développés, qui jusqu’ici ont joué plutôt un rôle dominateur dans la mondialisation, tombent aux mains de fonds directement contrôlés par d’autres Etats pas toujours démocratiques > Il serait paradoxal que les pays occidentaux à économie libérale, face à la menace des fonds d’Etat, se lancent dans des politiques protectionnistes pour contrer leurs desseins.
En attendant, les approches divergent selon les pays cibles. L’Allemagne cherche à se protéger plus efficacement et, en 2006, les Etats-Unis n’ont pas hésité à peser de tout leur poids, lors du rachat de P & O par l’autorité du port de Dubaï, pour forcer la cession des ports étatsuniens que le britannique opérait jusque-là. Au Royaume-Uni, en revanche, peu de responsables politiques ou économiques se sont émus de la prise de contrôle de plus de 35 % du capital de la Bourse de Londres (London Stock Exchange) par la Qatar Investment Authority (14,93 %) et par la Bourse de Dubaï (20,39 %).
En France, nos sénateur reconnaissent que l’économie du pays est demandeuse de ces fonds mais ils estiment qu’il serait bon que puisse exister une certaine réciprocité. Ce qui est loin d’être toujours le cas.

Yann Morell y Alcover

--
[image]


Fil complet:

 Fil RSS du sujet

powered by my little forum