Les fonds dEtat (Investir) (Securibourse)
Samedi 10 novembre 2007 / Investir n° 1766
PROTECTIONNISME. Les fonds dEtat, contrôlés notamment par des économistes et certains pays asiatiques et arabes, ont récemment suscité beaucoup dattention de la part des responsables politiques. Ils posent, en effet, un certain nombre de questions réglementaires.
Les fonds dEtat ou les limites de la doctrine libérale
Ils sont de plus en plus nombreux depuis quelques mois à se préoccuper de limportance croissante des fonds dEtat (également appelés fonds souverains) dans la finance internationale. Après les déclarations, cet été, de la chancelière allemande, appelant à plus dencadrement de ces fonds, cest le G7 qui, fin octobre, sest à son tour penché sur le problème lors de sa dernière réunion. Même si les discussions nont abouti à aucune avancée concrète, les représentants des sept pays sont au moins tombés daccord sur la nécessité de plus de transparence de leur part. Le secrétaire dEtat au Trésor étatsunien, Henry Paulson, a de son côté préconisé la définition de standards de comportement par le Fonds monétaire international (FMI). Car, bien que la plupart des pays contrôlant de telles structures dinvestissement se soient jusquici défendus de toute arrière-pensée politique dans leurs choix, les Occidentaux restent sceptiques.
En pointe sur le sujet, Berlin na dailleurs pas attendu dinitiative internationale pour dévoiler, fin octobre, un projet de loi prévoyant, entre autres, la possibilité dinterdire aux investisseurs étrangers à lUnion européenne dacquérir plus de 25 % du capital dune société cotée. Outre-Atlantique, le Comité sur les investissements étrangers aux Etats-Unis (Cifus), qui veille déjà au grain depuis 1975, a lui aussi vu ses pouvoirs renforcés ces dernières années.
Il peut ainsi faire échec, même de manière rétroactive, à une acquisition étrangère mettant en péril la « sécurité » du pays, le concept sécurité ayant été laissé volontairement indéfini, à sa discrétion.
Une tendance difficile à inverser
Les fonds dEtat, qui, selon les estimations des économistes de grandes banques dinvestissement comme Goldman Sachs, Merrill Lynch, Morgan Stanley ou Deutsche Bank, accumuleraient entre 1.500 et 3.500 milliards de dollars davoirs et pourraient atteindre 8.000 milliards de dollars dici à 2011, voire 12.000 milliards de dollars dici à 2015, fascinent et font de plus en plus peur.
« Les fonds souverains et les sociétés publiques cotées remettent en question notre modèle réglementaire [des marchés financiers] », reconnaissait publiquement il y a deux semaines Christopher Cox, président de la SEC, lautorité de régulation des marchés financiers aux Etats- Unis. Mais le mouvement, entamé il y a plus de dix ans, selon lequel les pays émergents exportateurs et les pays pétroliers ont financé nos déficits budgétaires (publics ou privés) avec leurs excédents commerciaux sera difficile à inverser et lavenir semble devoir encore sourire aux fonds dEtat.
Les sénateurs français se sont également intéressés au sujet. De retour dun voyage en Arabie saoudite, à Bahreïn et aux Emirats arabes unis, les membres de la Commission des finances évoquaient, dans un rapport rendu public il y a quelques semaines, limportance de la manne pétrolière accumulée ces dernières années et surtout la volonté des autorités de ces pays dinvestir ces fonds à létranger, nhésitant pas à recourir à la compétence de grands spécialistes occidentaux de la finance. Jean Arthuis, président de la commission, a aussi souligné le manque dintérêt porté par les différents responsables rencontrés pour le concept de transparence.
Des approches divergentes
On touche donc là à lune des limites de la doctrine libérale transposée à léchelle mondiale. Comment accepter que des pans de léconomie de certains pays développés, qui jusquici ont joué plutôt un rôle dominateur dans la mondialisation, tombent aux mains de fonds directement contrôlés par dautres Etats pas toujours démocratiques > Il serait paradoxal que les pays occidentaux à économie libérale, face à la menace des fonds dEtat, se lancent dans des politiques protectionnistes pour contrer leurs desseins.
En attendant, les approches divergent selon les pays cibles. LAllemagne cherche à se protéger plus efficacement et, en 2006, les Etats-Unis nont pas hésité à peser de tout leur poids, lors du rachat de P & O par lautorité du port de Dubaï, pour forcer la cession des ports étatsuniens que le britannique opérait jusque-là. Au Royaume-Uni, en revanche, peu de responsables politiques ou économiques se sont émus de la prise de contrôle de plus de 35 % du capital de la Bourse de Londres (London Stock Exchange) par la Qatar Investment Authority (14,93 %) et par la Bourse de Dubaï (20,39 %).
En France, nos sénateur reconnaissent que léconomie du pays est demandeuse de ces fonds mais ils estiment quil serait bon que puisse exister une certaine réciprocité. Ce qui est loin dêtre toujours le cas.
Yann Morell y Alcover
--
Fil complet:
- C quoi les fonds souverains ? - Mesto, 06/11/2007, 17:42
- C quoi les fonds souverains ? - bpr1, 06/11/2007, 18:17
- Les fonds étatiques, nouveaux géants de l'investiss. - Bobo, 08/11/2007, 19:58
- Les fonds dEtat (Investir) - Bobo, 09/11/2007, 22:28