JDF: fermeture des fonds BNP (Securibourse)
Le scandale de la fermeture des fonds de BNP Paribas
Les souscripteurs induits en erreur par des propos rassurants
Joël Antoine
BNP Paribas Investment Partners vient de décider de suspendre jusqu'à nouvel ordre les souscriptions et rachats de trois de ses fonds de trésorerie dynamique (Parvest Dynamic ABS, BNP Paribas ABS Euribor et BNP Paribas ABS Eonia). Les souscripteurs ne peuvent donc plus disposer de leurs liquidités et l'avenir de ces fonds est remis en question. Pourtant, le gestionnaire estimait le 27 juillet que ces trois fonds de trésorerie pouvaient rester ouverts malgré la crise de liquidité que traverse le marché des subprimes (crédits immobiliers accordés aux emprunteurs les plus fragiles). Pire, en présentant les comptes trimestriels le 1er août, Baudoin Prot, directeur général de BNP Paribas, assurait que le groupe n'était pas directement touché par la crise du subprime.
Revirement drastique
Ces propos réconfortants avaient alors largement rassuré la communauté financière comme les clients du groupe. La déconvenue n'en est que plus forte. Elle débouche maintenant sur une crise de confiance qui conduit à la cession sans grand discernement d'actifs de toute nature au profit de valeurs sans risques et liquides. Il est à craindre que d'autres sociétés de gestion ne soient amenées à prendre une décision analogue si leurs fonds subissent d'importants rachats. Les conséquences du manque de transparence de la banque française sur l'impact réel de la crise des subprimes pourraient s'avérer dévastatrices à court terme et accélérer la débâcle. A plus long terme, c'est l'ingénierie financière et les agences de notation qui se trouvent touchées car les investisseurs vont nourrir une aversion à l'endroit des produits structurés. La confiance des souscripteurs, parmi lesquels figuraient des particuliers, en faveur de leurs gestionnaires palliait leur appréhension à s'engager dans des produits opaques. Leur bienveillance a été trompée.
Les déboires des trois fonds de BNP Paribas IP s'expliquent initialement par la chute du prix des parts de crédits immobiliers qui touche toutes les qualités de titres ces dernières semaines. Sur un encours de 2,75 milliards d'euros à fin juillet, les trois portefeuilles étaient investis à hauteur de 35 % sur le marché des subprimes. C'est beaucoup, mais les titres bénéficiaient des meilleures notations affectées par les agences spécialisées (AAA pour un tiers d'entre eux et AA pour le reste). De plus en plus attentifs à l'augmentation des taux de défaut parmi les crédits immobiliers risqués, les investisseurs ont anticipé une dégringolade du niveau de sécurité offert par cette catégorie de produits structurés, et ont décidé de vendre. L'étroitesse du marché des dérivés a amplifié la chute, les transactions se raréfiant sur ce segment. Dans ces conditions, le 9 août, le gestionnaire se rendait à l'évidence et constatait que « cette situation ne permet plus d'établir une juste valorisation des actifs sous-jacents et donc de calculer une valeur liquidative pour ces trois fonds ».
De son côté, Groupama Asset Management a décidé de maintenir la liquidité de Groupama Entreprises ABS, qui investit notamment dans les titrisations. Sur un mois, il perd 0,04 % mais gagne encore 3,41 % sur un an. En revanche, les pertes subies par les trois fonds de BNP Paribas IP sont plus sensibles et s'étagent de 2,9 % à 6,6 % sur un mois. En fait, l'annonce de pertes subies par certains fonds de trésorerie dynamique a suscité un émoi beaucoup plus en raison du faible niveau de risque supposé de ces produits et du sentiment d'avoir été berné que des pertes constatées. Les événements récents montrent que les gérants, concepteurs de fonds de titrisation et agences de notation n'ont pas su évaluer le risque des fonds de titrisation (CDO et autres RMBS). D'où la déconvenue sur les fonds monétaires dynamiques les plus fortement investis sur cette catégorie de titres (voir entretien avec Edward Yardeni, p. 6).
Une appellation ambiguë
Le malaise créé par cette affaire n'est que plus grand car l'AMF, qui est au service de la protection de l'épargne, n'a pas non plus perçu la faiblesse des fonds de trésorerie qui font la part belle aux titres structurés. Comment justifier la présence des mots « monétaires », « cash », « moné », « sécurité »... dans les noms de fonds qui sont présentés comme étant des produits monétaires dynamiques dans les documents commerciaux > On peut s'étonner aussi que l'autorité de tutelle ne se soit pas élevée contre l'utilisation du terme « monétaire dynamique » par les agences de notation et dans les documents commerciaux des gestionnaires, tant cette appellation est ambiguë. D'ailleurs, l'analyse des documents commerciaux d'OPCVM qu'elle vient de publier sur son site Internet ne mentionne pas ce point, pas plus que celui de la sécurité illusoire offerte par les CDO. La plupart des souscripteurs ne différencient pas un fonds monétaire classique d'un fonds monétaire dynamique.
Cyril Julliard, président d'Eraam* : Il faut requalifier les monétaires dynamiques
Faut-il bannir le terme de monétaire dynamique >
Je me demande surtout si le terme de monétaire est bien adapté à ce genre de produit. Les gérants de fonds monétaires dynamiques sont obligés de prendre des risques importants en investissant sur le marché des CDO de subprime loans, obligations convertibles et actions pour tenir leurs objectifs de performance, alors que le souscripteur du fonds ne s'imagine pas être en risque en capital. Est-il normal de prendre des engagements sur des papiers illiquides alors que le souscripteur du fonds bénéficie d'une liquidité quotidienne > Peut-être faudrait-il requalifier ces produits. En revanche, les fonds de hedge funds sont perçus comme des produits très risqués et donc dangereux, ce qu'ils ne sont pas si les gestionnaires respectent les critères de répartition des risques. En effet, les fonds de fonds alternatifs ont une liquidité périodique en adéquation avec celle de leur portefeuille, ce qui n'est pas le cas des monétaires dynamiques, qui se trouvent coincés dans les périodes de crise de liquidités. Une requalification des monétaires dynamiques permettrait d'informer les souscripteurs sur la nature des risques de cette famille de fonds.
Que proposez-vous >
Il faut que les souscripteurs sachent s'ils achètent des parts d'un fonds monétaire, donc sans risque, ou s'ils se trouvent confrontés à un risque potentiel en contrepartie d'une rémunération supérieure au taux du marché monétaire. Cela permettrait de concevoir des produits par profil de risque. En effet, lorsqu'un fonds monétaire dynamique perd 15 % alors que son objectif de performance annuelle est de 4,5 %, il lui faudra plus de trois ans pour compenser sa chute. En revanche, une baisse de 10 % sur un fonds actions pourra être absorbée en six mois. Les risques pris par le fonds monétaire dynamique ne sont donc pas en phase avec ses objectifs.
Propos recueillis par Joël Antoine
(*) Eraam est une société de gestion de fonds de fonds alternatifs.
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