Fin du commencement ou commencement de la fin ?(Oddo) (Securibourse)

par Mesto, jeudi 12 juillet 2007, 09:30 (il y a 6339 jours)

Jean Borjeix est Consultant pour Oddo et Cie. Les documents publiés n’engagent pas la société Oddo et Cie.
Vendredi 06 juillet 2007

Analyse de marché
Fin du commencement ou commencement de la fin >
Les marchés entrent-ils dans une phase de progression durable décisive ou jettent-ils leurs derniers feux, après une période de hausse de plus de 4 ans >
Les éléments d’appréciation contradictoires qui expliquent les changements brutaux de direction des marchés ne manquent pas.
Un cycle haussier durable dans une analyse à long terme de type Kondratieff.
L’émergence des économies des pays d’Asie du Sud Est apporte à la croissance mondiale un surcroît de quelques points que l’économie occidentale, seule, n’aurait pu générer. Cet acquis se diffuse en partie sur les activités des pays occidentaux fournisseurs de produits de base, de technologies et de services, déjà prêts à être livrés aux pays asiatiques. Les ventes de ces produits et services apportent quelques points de croissance à l’économie occidentale et bénéficie à des secteurs traditionnels qui avaient été oubliés au cours des années folles de la technologie. Juste retour des choses qui profite aux secteurs des matières premières, des biens d’équipement,
de la construction ou de certains biens de consommation de base comme l’automobile. Ce descriptif du monde économique des années 2000 n’a rien d’original. La montée en puissance de la Chine et de l’Inde était attendue depuis des années et se concrétise aujourd’hui. Très facile à percevoir par le public et les professionnels ce schéma de croissance bénéficie d’une adhésion
générale. Par ailleurs, il a commencé à se traduire dans l’évolution des indices qui avaient été jusque-là très attentistes comme l’indice composite de Shanghai ou le Sensex de Bombay. A priori, les marchés, y compris ceux des pays développés, devraient continuer à participer à la fête, notamment Tokyo.
Pour autant, le phénomène a-t-il l’importance que les investisseurs lui donnent > Les pays développés représentent, selon les statistiques du
FMI comme celles de la Banque mondiale, quelque 70% de l’économie mondiale, dont près de 30% pour les seuls États-Unis. Les BRIC ne représentent pour l’heure que 12 à 13% de l’ensemble du PIB mondial.
Surtout, pour ne considérer que la Chine, les déficits cumulés de l’Europe et des États-Unis vis-à-vis de ce pays représentent de 15 à 20% de son PIB et impactent d’autant sa croissance.
À l’opposé, 1% de croissance en moins de l’économie américaine représente directement 0.3% de la croissance mondiale et pèse sans doute autour de 0.5% par ses effets d’entraînement décalés dans le temps sur les pays
exportateurs.
Ainsi, même si elle pèse de plus en plus lourd dans la croissance mondiale, la croissance des pays émergents est très surestimée dans son autonomie et
dans son impact actuel. Il serait donc illusoire de croire que le relais des pays émergents pourra compenser intégralement la poursuite du ralentissement aux États-Unis et encore moins une éventuelle récession.
Par ailleurs, phénomène classique, les perspectives de ces pays sont tellement lisibles que les marchés ont tendance a les surévaluer ainsi que les actifs qui les sous-tendent. C’est la raison pour laquelle les autorités chinoises et indiennes multiplient les avertissements et menacent de durcir leur politique monétaire.
Autrement dit, le démarrage de l’expansion des pays émergents demande une pause, qu’elle vienne spontanément du ralentissement américain ou qu’elle
vienne du durcissement de la politique des autorités monétaires locales.
En somme, la fin du commencement.
Pour l’économie américaine > C’est plutôt le commencement de la fin d’un cycle.
Rappel des données évoquées à plusieurs reprises lors des derniers mois.
1. Les marges des sociétés américaines ont, a priori, enregistré leur plus haut niveau au 3ème trimestre 2006 et commencent à baisser alors que la
pression des salaires dans un environnement de plein emploi devrait continuer à peser sur elles.
L’affaiblissement des marges dure généralement de 2 à 3 ans, même si "cette fois-ci", comme semblent le penser les marchés, c’est différent et les marges résisteront mieux. Mais, dans les phases de cycle économique semblables à la phase actuelle, la résistance des marges s’appuie généralement sur des hausses de prix. La FED l’a rappelé à plusieurs reprises, et plus récemment, la commission
européenne a fait la même analyse pour l’Europe.
2. Dans un contexte de baisse des marges, la progression des bénéfices dépend exclusivement de la progression de la valeur ajoutée qui dépend elle-même de la "top line" et de l’évolution des coûts intermédiaires. Désormais, le premier indicateur de la croissance des bénéfices est la progression du PIB (somme des valeurs ajoutées des entreprises).


Analyse de marché
3. Celle-ci semble plus problématique depuis le second semestre 2006 et devrait a priori freiner la croissance des bénéfices 2007 et probablement
2008. Les estimations de la croissance des bénéfices 2007 et 2008 par le consensus ont fait effectivement l’objet de révisions à la baisse aux
États-Unis. Mais aussi en Europe, pour les mêmes raisons de fond et à cause de la baisse du dollar.
4. Si les marchés se maintiennent près de leur plus haut, c’est que les taux de capitalisation des bénéfices montent alors que l’environnement est
beaucoup plus fragile dans cette période de baisse des marges.
La situation des pays développés s’inscrit en effet dans une situation de "squeeze" entre un ralentissement économique qui dispenserait d’un nouveau
resserrement monétaire mais impacterait nettement les résultats à la baisse et une reprise trop rapide de l’économie qui réveillerait l’inflation à travers les hausses de salaires comme l’ont souligné la FED et la Commission européenne et nécessiterait un nouveau resserrement monétaire.
En somme, le "commencement de la fin" du cycle.

Conclusion : malgré l’affaiblissement de la croissance aux États-Unis, les indices ont progressé à l’unisson au cours des 2 derniers trimestres 2006
et en début 2007, dans l’espoir d’une baisse des taux directeurs qui ne s’est jamais concrétisée. Pourtant, les baisses de taux directeurs ne se sont jamais
produites dans le passé avant la remontée du chômage. Or, depuis le début du cycle en cours, les chiffres de l’emploi ne se sont jamais dégradés.
Ce sont les bons indicateurs d’activité qui semblent désormais prendre le relais de la baisse des taux comme moteur de la hausse des indices. Mais, s’ils se confirment, ils pourraient tendre le marché de l’emploi et entraîner une hausse des coûts salariaux unitaires. Dans ce cas, la FED pourrait reprendre sa politique de hausse des taux directeurs et rejoindrait la BCE dans ce mouvement de hausse.
Enfin, la hausse des taux de capitalisation qui s’inscrit dans la vision d’une croissance mondiale solide et durable dans un environnement de taux bas risque d’être contrée par la surchauffe financière en Asie du Sud Est et par les tensions observées sur le marché de l’emploi aux États-Unis.
Sans compter l’empilement de dettes contractées par les acteurs des fusions acquisitions rendus euphoriques par les perspectives mondiales.
L’avenir est certainement porteur mais, dans l’immédiat, il semble que la pause s’impose.
Ce flash est le dernier rédigé dans le cadre du contrat passé entre JFB Analyses et Oddo et Cie en mars 2005.
J'aurai l'occasion de poursuivre l'analyse du comportement des marchés à travers une approche "globale" dans le
cadre de la société JFB analyses et de la société Platinium Gestion.


Fil complet:

 Fil RSS du sujet

powered by my little forum