JDF : Arcelor Mittal (Securibourse)
LE JOURNAL DES FINANCES- N°6238-23/06/2007- PAGE28
Etudes financières
Sidérurgie
Arcelor-Mittal n'a pas délivré tout son potentiel boursier
Le groupe issu du rapprochement entre Arcelor et Mittal Steel tient pour l'heure toutes ses promesses
Par Christophe Soubiran
Arcelor-Mittal aura bientôt un an. L'intégration des deux groupes progresse à pas de géant. Avec sa palette de produits élargie, sa présence aux quatre coins de la planète et son intégration amont-aval, le nouvel ensemble constitue un véhicule boursier unique pour jouer le secteur de la sidérurgie, en pleine ébullition.
Dans quelques jours, le groupe Arcelor-Mittal soufflera sa première bougie. Un anniversaire que ses promoteurs ainsi que les actionnaires pourront célébrer avec tambour et trompettes.
La fusion des deux groupes se déroule en effet sans heurts.
Certes, il est encore trop tôt pour se prononcer définitivement sur la réussite ou non de la fusion (c'est sur la durée que l'on pourra juger), mais force est de constater que tous les risques d'exécution potentiels ont été écartés les uns après les autres.
Le nombre limité de départs dans l'encadrement du groupe franco-hispano-luxembourgeois en apporte la meilleure des preuves, alors qu'après la bataille acharnée qui a opposé les deux groupes et les prises de position radicales des uns et des autres on aurait pu s'attendre à une véritable hémorragie.
Un modèle économique articulé autour de trois axes
Le succès du processus de rapprochement se reflète ainsi au niveau des synergies. Au 30 juin, celles-ci devraient déjà s'élever à 830 millions de dollars, sachant que le groupe espère réaliser 1,6 milliard de dollars de réduction de coûts par an à l'horizon 2008. Un objectif qui a de fortes chances d'être dépassé.
Dans la même veine, la prévision d'excédent brut d'exploitation de 20 milliards d'euros l'année prochaine (contre 15,3 milliards en 2006 sur une base pro forma) paraît à portée aux conditions actuelles de marché. La conjoncture joue en sa faveur.
La croissance mondiale ne faiblit pas. Du coup, la demande d'acier reste dynamique (notamment en Europe et en Asie), et les prix, certes toujours aussi volatils, se maintiennent à un niveau élevé. Et ce en dépit de la montée en puissance de la Chine, devenue récemment exportateur net d'aciers.
C'est d'ailleurs des exportations chinoises que pourrait venir la plus grande menace pour les prix. Pour l'heure, elle ne se matérialise pas encore grâce aux fermetures de capacités imposées par le gouvernement de l'empire du Milieu et aux mesures adoptées pour rendre les exportations plus difficiles. Mais le risque n'est pas à négliger.
La stratégie d'Arcelor-Mittal vise justement à maîtriser les effets du cycle économique et à atténuer les turbulences (inévitables, mais bien moins spectaculaires qu'auparavant) du marché de l'acier. Elle s'articule autour de trois axes : diversité des produits, diversification géographique et intégration verticale.
La gamme de produits du groupe s'étend ainsi des simples commodités aux aciers à forte valeur ajoutée, des produits longs aux produits plats, des aciers au carbone aux Inox et alliages, etc. Il possède par ailleurs des usines dans vingt-sept pays (un cas unique dans le secteur), et est présent sur l'ensemble de la chaîne de création de valeur, de la production de minerai de fer à la distribution des aciers. Une de ses grandes priorités est d'ailleurs d'accroître son autosuffisance en minerai de fer et en charbon.
Bien qu'il soit en phase d'intégration d'Arcelor, le groupe se montre toujours aussi entreprenant. Plusieurs opérations ont ainsi été récemment annoncées, portant pêle-mêle sur la construction d'une usine de tubes sans soudure en Arabie saoudite, l'acquisition pour 1,4 milliard de dollars du premier producteur d'acier long mexicain, Sicartsa, et l'exploitation de gisements de minerai de fer au Liberia et au Sénégal.
Mais Arcelor-Mittal n'offre pas qu'un profil défensif. Le groupe sidérurgique compte bien tirer profit du dynamisme des pays émergents. De nombreux projets d'extension de capacités sont prévus au Brésil, en Ukraine, en Afrique du Sud ou au Kazakhstan. Et cette liste est loin d'être exhaustive.
La variété des aciers produits et la diversification géographique de la production doivent permettre au groupe de traverser les cycles sans anicroche.
Des promesses tenues en matière de retour pour l'actionnaire
-Faut-il y voir un effet du syndrome Arcelor > La direction d'Arcelor-Mittal a en tout cas décidé de choyer ses actionnaires. Un geste que les dirigeants du groupe luxembourgeois n'avaient pas su faire en leur temps, préférant privilégier le désendettement et le développement industriel. Avec les conséquences que l'on sait en termes de valorisation.
Le nouveau leader mondial de l'acier s'est engagé à verser à ses actionnaires 30 % du résultat net sous la forme de dividendes et de rachats d'actions, tout en garantissant un dividende minimal de 1,30 dollar par titre.
Le programme actuel de rachat d'actions, qui doit s'achever le 15 novembre 2008, s'élève à 590 millions de dollars. Avant même sa totale réalisation, un nouveau plan portant sur 27 millions de titres (ce qui représente, au cours actuel, une somme d'environ 1,35 milliard d'euros) a déjà été annoncé.
Si le groupe fait preuve de générosité, c'est aussi parce qu'il peut s'appuyer sur une structure financière solide, avec une dette nette représentant 41 % des fonds propres au 31 décembre 2006, et sur une capacité d'autofinancement élevée (2,65 milliards d'euros au premier trimestre). Des qualités qu'Arcelor ne pouvait pas à l'époque faire valoir. Et la Bourse apprécie. Le titre s'est adjugé près de 56 % depuis le début de l'année. Pour autant, la valorisation reste relativement modérée. Les multiples de capitalisation des bénéfices attendus pour 2007 et 2008 ressortent à respectivement 10,2 et 9,2 fois. Ces niveaux se situent de surcroît en ligne avec ceux des autres acteurs du secteur, alors qu'Arcelor-Mittal mériterait une prime au regard de son modèle de développement sans égal.
Toutes les promesses n'ont pas été tenues, en revanche, en matière de gouvernance d'entreprise. Président du conseil d'administration, Lakshmi Mittal s'était engagé à ne jouer aucun rôle exécutif dans le nouvel ensemble. Or, au mois de novembre 2006, le milliardaire d'origine indienne a pris les commandes opérationnelles. Une décision que d'aucuns ont considérée comme un grave manquement à la parole donnée. Appelés à se prononcer lors de la dernière assemblée générale, les actionnaires ont pourtant approuvé massivement cette reprise en main (à 98,2 %).
Arcelor donne encore du fil à retordre à Mittal
Les deux titres ont fluctué de concert.
- Décidément, la direction du numéro un mondial de l'acier a maille à partir avec les minoritaires des filiales. Son offre de rachat des actions Arcelor pas encore détenues (soit 6,3 % du capital) suscite l'opposition de certains actionnaires, des fonds spéculatifs pour l'essentiel. Sa proposition porte sur l'échange de huit titres Arcelor-Mittal pour sept actions du groupe luxembourgeois, alors que les minoritaires réclament de leur côté un ratio identique à celui de l'offre initiale, à savoir onze actions Arcelor-Mittal pour sept Arcelor. Dénonçant une inégalité de traitement entre les porteurs de titres, ces récalcitrants ont même saisi l'AMF (Autorité des marchés financiers). La question est de savoir si les autorités boursières françaises disposent d'un réel pouvoir pour agir, alors que le dossier relève de la compétence du gendarme boursier luxembourgeois, le siège social d'Arcelor étant situé dans le Grand-Duché. De son côté, Arcelor-Mittal fait valoir son bon droit, arguant que la parité reflète la valeur actuelle d'Arcelor. Elle valorise sa filiale à 56,7 euros par action, ce qui fait ressortir un multiple de capitalisation des bénéfices estimés pour l'exercice en cours de 11 fois, soit un ratio supérieur au sien.
Au final, ces contestations pourraient surtout contrarier le calendrier de la direction, qui espérait boucler le plus rapidement possible le processus de simplification des structures. Pour rappel, ce dernier doit se dérouler en deux étapes : d'abord l'absorption de Mittal Steel par une structure ad hoc dénommée Arcelor-Mittal, de droit luxembourgeois, puis la fusion- absorption d'Arcelor-Mittal par Arcelor. Il est à noter que l'histoire se répète pour le géant de l'acier. Ce dernier a en effet été contraint, il y a quelques mois, sous la pression du gendarme de la Bourse de São Paulo, d'acquérir la part des minoritaires dans le capital de sa filiale brésilienne, Arcelor do Brasil. Il a même dû réviser à la hausse une première offre jugée trop faible.
NOTRE CONSEIL
Achat avec un objectif de cours de 60 euros (code : MTP ; Comp. A, SRD).
MTP1336
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mareva