Le beurre et la crème (Securibourse)
par Yves de Kerdrel (JDF)
Les sociétés qui composent l'indice CAC 40 ont versé ou vont verser à leurs actionnaires environ 40 milliards d'euros sous forme de dividendes et de rachats d'actions. Cela représente environ la moitié de leurs résultats cumulés pour l'ensemble de l'exercice 2006. C'est la première fois que les actionnaires se voient traités aussi bien par ceux auxquels ils ont confié leur épargne. Et il y a peu de chances pour qu'à l'avenir cette répartition de la richesse créée par les entreprises leur soit aussi favorable.
Car il s'agit là en grande partie d'un effet de rattrapage. Les sociétés françaises ont longtemps très mal rémunéré leurs actionnaires. Elles ont commencé à mieux prendre en compte leurs préoccupations en termes de coupons à la fin des années 1990. Là-dessus est arrivé l'éclatement de la bulle Internet, qui a empêché beaucoup de sociétés d'être aussi généreuses qu'elles l'auraient souhaité. Et c'est vraiment maintenant qu'elles rémunèrent leurs fonds propres dans des conditions comparables à ce que pratiquent les grands groupes étrangers.
Bien sûr, cette générosité subite fait pleurer dans les chaumières socialistes. Bien sûr, certains s'étonnent qu'une telle masse de « profits fainéants » soit distribuée sans distinction à des actionnaires dont la moitié sont étrangers. Bien sûr, on peut regretter qu'aucun gouvernement n'ait songé à faire en sorte que la richesse créée par des groupes et des salariés français profite à ces derniers, par le biais de fonds de pension ou bien simplement d'un fonds de réserve des retraites plus solidement établi.
Mais, dans une économie mondialisée, peut-on vraiment s'étonner que le beurre fait par les sociétés du CAC 40, en majorité à l'international, circule de nouveau autour du globe sous forme de dividendes > Faut-il regretter que la crème de nos grands groupes soit devenue si profitable qu'ils attirent désormais les capitaux de toute provenance > Bien sûr que non. C'est la loi du capitalisme et de ce libéralisme dont il reste aujourd'hui peu de détracteurs.
Mais il en demeure au moins un. Il s'appelle Jacques Chirac. Et, dans son testament politique confié au journaliste Pierre Péan, il confie que « le libéralisme est voué au même échec que le communisme et [qu']il conduira aux mêmes excès. L'un comme l'autre sont des perversions de la pensée humaine ». Par indulgence, on mettra cela sur le compte de l'usure du pouvoir... En attendant de tourner la page.
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